Dans l’univers de la formation, le préfixe « micro » (pour « très petit ») a la cote depuis quelque temps. Vous avez peut-être entendu parler de microapprentissage, de micromodules, de microcrédits ou encore de microdiplômes. Il sera ici question de microcertifications, aussi désignées par le terme microtitres de compétences, un type de formations et de certifications courtes et ciblées qui commence à se tailler une place dans le système d’éducation postsecondaire, y compris universitaire. La croissance et la diversification de l’apprentissage en ligne, les nouveaux besoins de formation des travailleurs et des employeurs qui ont émergé durant la pandémie ainsi que les mutations profondes que connaît le marché du travail sont autant de facteurs qui accélèrent le mouvement en faveur de l’intégration des microcertifications dans l’enseignement supérieur. Voici quelques repères, tirés notamment de l’audacieuse initiative d’eCampusOntario, pour démystifier ce type de formations et de certifications fort prometteur.
Concept en ébullition qui se définit peu à peu
Bien que l’offre de microcertifications connaisse une croissance rapide, il n’existe pas de ce concept une définition exhaustive ou universelle, et il est peu probable que cela advienne étant donné la diversité des prestataires, le fonctionnement distinct des établissements et les considérations de compétence impliquées. Toutefois, des initiatives d’envergure visant à mieux les définir et les encadrer afin d’améliorer leur qualité, leur transparence et leur adoption ont été entreprises au cours des dernières années, amoindrissant les disparités conceptuelles. Au Canada, l’Ontario se démarque dans le développement des microcertifications, alors qu’eCampusOntario* s’est associé avec plus de la moitié des collèges et universités de la province pour lancer, de 2019 à 2021, 36 projets pilotes de « microtitres de compétences » — nous reviendrons sur ce terme — afin de mettre à l’essai leur référentiel Principes et cadre de microcertification. Ce référentiel est décrit comme « un document vivant sous licence ouverte, conçu pour être mis à jour et adapté au fur et à mesure que l’on en apprend davantage sur les microtitres de compétences dans la pratique ». Le rapport de recherche paru en 2022 sur ces projets pilotes constate qu’une certaine vision commune se dessine ici comme ailleurs.
« Récemment, des progrès importants ont été réalisés pour convenir d’un consensus de définition et d’une convergence conceptuelle, et ce, tant au niveau mondial qu’au Canada. De plus en plus, les intervenants canadiens considèrent que les microtitres de compétences sont : 1) définis par l’accent mis sur des aptitudes et des compétences précises; 2) attribués sur la base d’une évaluation; 3) pertinents pour l’employeur ou l’emploi; 4) flexibles en ce qui a trait à leur lien avec d’autres formes d’accréditation; 5) des cours d’accréditation de courte durée. Ces éléments communs correspondent en grande partie aux résultats des consultations entreprises dans le cadre de ce projet de recherche. »
Pour vous donner une idée plus concrète des compétences qui peuvent être couvertes par un tel microtitre, les projets pilotes d’eCampusOntario ciblent six domaines : les compétences humaines, la technologie, la santé et les services sociaux, la fabrication, les ressources naturelles et la recherche. On retrouve notamment un microtitre de compétences pour les professionnels formés à l’étranger, un pour le marketing numérique, un pour les préposés aux services de soutien à la personne, un pour l’entretien des véhicules électriques à batterie, un liées aux droits des Autochtones et à l’établissement de relations, un en recherche sur les microtitres de compétences, etc.
De son côté, Collèges et instituts Canada (CICan), l’association porte-parole des collèges, instituts et cégeps publics canadiens, a aussi entamé des démarches pour mieux comprendre l’état actuel et le potentiel des microcertifications et pour mieux les définir. Dans la foulée de la création d’un programme de microcertification d’assistant-préposé en soutien aux soins dispensé dans 18 établissements partenaires, la CICan a mis au point la première norme professionnelle nationale pour les préposés en soutien aux soins, une norme qui précise les compétences, les connaissances et les aptitudes nécessaires pour accomplir ce travail. Notons que dans la foulée des investissements faits par les gouvernements de certaines provinces canadiennes pour accélérer la mise en place de microcertifications, plusieurs universités ont développé les programmes de microcertifications les plus pertinents pour répondre aux besoins de leur communauté.
Dans le budget du gouvernement ontarien de 2020, près de 60 millions de dollars ont été affectés à une stratégie de microcrédits pour l’amélioration des compétences liées à l’emploi. En vue d’optimiser l’utilisation de ce financement, des chercheurs du Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) ont entrepris un projet de recherche (Donner un sens aux microcertifications) visant les deux objectifs suivants : élaborer une définition commune pour promouvoir l’innovation et une communication efficace sur les microcrédits ainsi qu’offrir un aperçu de la valeur perçue et potentielle des microcrédits en engageant les utilisateurs finaux (employeurs et étudiants potentiels) à travers le Canada. La recherche a entre autres permis de réaliser que seulement un Canadien sur quatre avait déjà entendu le terme « microtitre de compétences », et que très peu d’entre eux étaient certains de ce qu’il signifiait. Cependant, une fois qu’une définition leur était présentée, 74 % des répondants en âge de travailler se sont dits intéressés par les microtitres de compétences, que ce soit dans le cadre d’un perfectionnement professionnel ou personnel, ou des deux.
Une définition et une typologie claires sont nécessaires pour mieux faire connaître ce concept et s’assurer qu’employeurs et apprenants lui attribuent de la valeur. Une intervenante impliquée dans la recherche du COQES note qu’« il sera important de normaliser et d’utiliser de plus en plus le terme « microtitres de compétences » pour susciter l’intérêt et atténuer les préoccupations des Canadiens en âge de travailler pour ce qui est de tirer parti de ces possibilités d’apprentissage, particulièrement chez ceux qui manifestent déjà de l’intérêt ». Le terme « microtitres de compétences » est en effet plus parlant que celui de « microcertifications » pour nommer ce concept dont l’accent est mis sur l’acquisition et la reconnaissance de compétences et d’aptitudes précises. « Cet accent est essentiel, car il soutient l’une des principales valeurs ajoutées offertes par les microtitres de compétences, à savoir qu’ils permettent un perfectionnement des compétences et une formation plus efficaces et ciblés des apprenants, ainsi que des processus de recrutement et d’embauche plus efficaces pour les employeurs », souligne le rapport de recherche. Il précise aussi que bien qu’elles soient liées, aptitudes et compétences ne sont pas synonymes. Selon Emploi et Développement social Canada (EDSC), les compétences sont des « capacités acquises que doit avoir une personne pour bien accomplir un travail, un rôle, une fonction, une tâche ou un devoir », le terme capacité référant à l’« utilisation combinée des habiletés et attributs personnels, des compétences et des connaissances pour accomplir efficacement un travail, un rôle, une fonction, une tâche ou un devoir ». « Autrement dit, les compétences sont la combinaison d’aptitudes, de capacités et de connaissances nécessaires pour réussir en milieu de travail, tandis que les aptitudes font référence à des capacités plus précises », explique le rapport.
En ce qui concerne le préfixe « micro », celui-ci évoque principalement le fait qu’il s’agit d’une formation de plus courte durée qu’une formation postsecondaire traditionnelle. Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne la durée optimale que devrait avoir une formation menant à un microtitre de compétences. On s’entend toutefois sur le fait qu’il correspond à des unités d’apprentissage plus courtes et plus spécialisées que celles d’un cours de trois mois ou de trois crédits de 36 heures. Dans son rapport préliminaire intitulé Vers une définition commune des microcrédits, l’UNESCO précise que les microcrédits (synonyme de microtitres de compétences) « se composent de modules d’apprentissage nettement moins longs que les titres scolaires conventionnels et permettent souvent aux apprenants d’accomplir le travail requis sur une période plus courte ». L’Ontario a pour sa part déterminé par règlement qu’un tel programme ne doit pas dépasser 12 semaines. Du côté européen, un consortium de fournisseurs de MOOC (cours en ligne ouvert et massif) a tenté d’encadrer les microcrédits et proposé que ceux-ci représentent l’équivalent de 100 à 150 heures d’études au niveau collégial ou universitaire.
Outil pour démocratiser l’accès à la formation continue
Alors que le monde du travail connaît de profondes et rapides mutations (virage numérique, présence grandissante de l’intelligence artificielle, changements climatiques, pandémie, etc.), les travailleurs doivent s’adapter à ce contexte et intégrer l’idée que l’apprentissage se fera désormais tout au long de la vie. Si les microtitres de compétences ne sont pas les premières formations de niveau postsecondaire à être de plus courtes durées — il existe notamment des « microprogrammes » —, cette caractéristique est partie intégrante de ce nouveau concept qui vise à faire le pont de manière flexible et efficace entre les apprenants (travailleurs ou futurs travailleurs) et les employeurs ou l’industrie, en impliquant de près ces derniers. En étant moins longs que les formations des programmes traditionnels menant à une diplomation, les microtitres de compétences sont en général aussi plus abordables. Leurs modalités de prestation doivent être flexibles et choisies selon le contenu enseigné et le type d’évaluation à privilégier. S’ils peuvent être enseignés en présentiel, le mode en ligne asynchrone qui permet à l’apprenant d’apprendre à son rythme est privilégié. Le mode en ligne synchrone de même que le mode hybride, qui combine l’apprentissage en présentiel et en ligne, sont aussi des options possibles. Les microtitres de compétences devraient être offerts plusieurs fois par année et non pas nécessairement cadrer avec la programmation des semestres traditionnels; dans l’idéal, ils devraient être accessibles à tout moment de l’année. Les microtitres de compétences peuvent donc favoriser une certaine démocratisation de la formation continue en permettant à des adultes qui, en raison de contraintes de temps ou d’argent, n’auraient pu envisager de se perfectionner, se recycler, d’essayer une nouvelle avenue, de promouvoir leur valeur auprès des employeurs ou de faire valider leurs expériences antérieures pour augmenter leur employabilité.
L’arrivée des microtitres de compétences dans le système d’enseignement postsecondaire, y compris universitaire, ne vise pas à remplacer les programmes existants ni les formes traditionnelles d’enseignement. Conçus pour être différents, ils visent plutôt à mieux adapter l’offre de formations postsecondaires aux nouvelles réalités du marché de travail et des apprenants. Alors que les formations courtes de divers types — cours en lignes ouverts et massifs (MOOC), badges, microcours et « microcertifications » —, offertes par des prestataires autres que des institutions d’enseignement, pullulent depuis quelques années et que leur qualité varie considérablement, l’intégration des microtitres de compétences dans le système d’enseignement établi a entre autres l’avantage de donner des balises rigoureuses à des formations courtes et ciblées et, par conséquent, de la valeur. Ce concept est toutefois souvent confondu avec celui des « badges », qui sont en fait des emblèmes des compétences acquises. Comme l’explique le référentiel sur les microtitres de compétences d’eCampusOntario :
« La principale différence réside dans le fait que le titre de compétences est « intégrable » ou non, ce qui signifie qu’il peut figurer sur un relevé de notes traditionnel d’un collège ou d’une université. Pour élaborer :
- Les microtitres de compétences sont liés à un ensemble de normes ou de compétences formellement approuvées ou acceptées.
- Les microtitres de compétences sont enseignés de manière formelle par un professeur ou un mentor qui a la responsabilité de s’assurer que l’étudiant apprend et répond aux attentes pour l’attribution du microtitre de compétences.
- Les microtitres de compétences peuvent être cumulables pour obtenir un titre de compétences reconnu par d’autres établissements.
Les badges, quant à eux, peuvent concerner n’importe quel domaine et être attribués par n’importe qui. La valeur réside dans l’apprentissage de la compétence ou de la connaissance particulière (Contact Nord, 2020). En bref, le microtitre de compétences est le programme d’études et le badge est une représentation de la réussite de son apprentissage. »
Caractéristiques de la reconnaissance d’un microtitre
Tout microtitre de compétences doit être reconnu par une forme de certificat d’achèvement ou de réussite d’un établissement ou de badge numérique qui précise les résultats d’apprentissage obtenus ou les compétences acquises. La majorité des microtitres de compétences sont émis sous forme de badges, plus précisément de badges numériques ouverts, une option technologique qui facilite leur vérification et leur gestion. Un badge numérique est un fichier numérique conféré par un organisme émetteur à un apprenant qui comporte une représentation visuelle ainsi que des métadonnées informatives vérifiables et infalsifiables. Il peut servir à motiver l’apprenant dans un parcours d’apprentissage, à reconnaître ses accomplissements ou apprentissages, ou encore à certifier qu’il a acquis des connaissances ou développé des compétences.
Un microtitre de compétences est un badge numérique dit « ouvert », parce qu’il s’agit d’un « badge numérique conçu dans un système libre de droits et standardisé, pouvant être utilisé par tout organisme émetteur qui le souhaite » (Grand dictionnaire terminologique, OQLF). À la différence des badges numériques « fermés », il peut aussi être rendu public par l’apprenant à qui il est décerné — qui en devient le détenteur et le gestionnaire —, et notamment être partagé sur ses réseaux sociaux ou ajouté à son CV en ligne à l’aide d’un lien (URL). L’émetteur a cependant la possibilité de donner une date limite à l’utilisation du badge numérique ou du certificat de microtitre de compétences, ce qui est judicieux lorsque des compétences sont à mettre à jour ou à faire valider périodiquement, par exemple pour des raisons de sécurité ou d’évolution technologique.
Tel que mentionné précédemment, les microtitres de compétences peuvent être cumulables pour former un ensemble de compétences utiles dans un domaine donné. Toutefois, il apparaît primordial qu’ils conservent une « valeur autonome », autrement dit, que les acquis d’un microtitre de compétences puissent être pertinents sur le marché du travail sans avoir à être jumelés à ceux d’un ou de plusieurs autres microtitres de compétences. Cette caractéristique fait d’ailleurs partie de la définition d’un microcrédit (microtitre de compétences) proposée par l’UNESCO dans son rapport cité plus haut. Les participants de l’étude de recherche d’eCampusOntario ont aussi souligné l’importance de cette valeur autonome, notamment pour répondre aux besoins des apprenants qui souhaitent avoir accès à des offres flexibles et sur demande.
L’évaluation : élément clé
L’évaluation est un élément clé du concept de microtitre de compétences. Elle donne l’assurance que son détenteur a bien démontré qu’il a acquis les compétences visées et qu’il est prêt à les mettre en application sur le marché du travail. L’évaluation permet aussi de distinguer les microtitres de compétences des autres réalisations véhiculées par des badges qui n’ont pas nécessairement été évaluées ou évaluées selon des normes fiables. Si les évaluations des microtitres de compétences diffèrent en quelques points de celles des cours postsecondaires traditionnels, il est essentiel qu’elles soient tout aussi rigoureuses. Dans le système postsecondaire canadien, on penche pour que l’évaluation d’un microtitre de compétences soit « authentique ». Selon le rapport L’avenir est dans les microtitres de compétences, cela signifie que cette évaluation « doit donner aux apprenants l’occasion de démontrer leurs compétences dans le contexte de situations professionnelles », « être significative et pertinente pour les apprenants et les employeurs », et « viser à évaluer les compétences et les connaissances d’un apprenant tout en lui offrant la possibilité de s’exercer, d’accéder à des ressources et d’obtenir un retour d’information tout en accomplissant une tâche complexe ».
En fonction des compétences enseignées et de leur mode d’enseignement, la forme que prend l’évaluation peut varier. Une évaluation peut être basée sur un problème, un projet ou un scénario, une démonstration par vidéo, une évaluation écrite, un enregistrement audio, un portfolio, un entretien, etc. — ou une combinaison de plusieurs approches. Il est admis qu’évaluer selon une approche unique l’ensemble des microtitres de compétences n’est pas approprié. En principe, l’évaluation finale d’un microtitre de compétences se solde soit par un succès soit par un échec de la « maîtrise » des compétences, maîtrise pouvant être fixée à un seuil très élevé, par exemple une note de 90 %; à la différence de l’évaluation pour un cours traditionnel, qui est en général scindée en plusieurs évaluations et qui n’exige pas la maîtrise, mais plutôt la compétence, établie en général à 50 %. Avant de se soumettre à l’évaluation finale — au moment où il sent qu’il maîtrise les compétences en jeu —, l’apprenant doit avoir eu l’occasion de s’exercer à l’aide d’évaluations formatives conçues pour favoriser l’atteinte des objectifs d’apprentissage au programme. Notons que certains microtitres de compétences peuvent être obtenus par le biais de l’évaluation, sans que le candidat ait à assister à des cours ou à étudier, ce qui représente une option complémentaire à la voix traditionnelle de reconnaissance des acquis et des compétences (Woods et Skapenko, 2021).
Dans une perspective plus large, l’évaluation est au cœur du développement d’un « écosystème » de microtitres de compétences tel que le conçoit eCampusOntario, comme l’explique rapport L’avenir est dans les microtitres de compétences :
« En fin de compte, pour qu’un écosystème de microtitres de compétences robuste et sain se développe, il doit être généralement accepté qu’une personne qui détient un microtitre de compétences peut être considérée, en toute confiance, comme possédant la capacité ou la compétence revendiquée. L’importance de ce point est mieux comprise lorsqu’elle est formulée en fonction des trois concepts clés utilisés par eCampusOntario pour comprendre le fonctionnement d’un écosystème de microtitres de compétences : la confiance, la valeur et l’échange. Sans évaluation, la valeur d’un microtitre de compétences est minée par un manque de confiance dans la capacité de tout apprenant à démontrer l’aptitude ou la compétence visée par l’offre de microtitre de compétences. »
Le concept d’écosystème semblait tout indiqué puisque le développement des microtitres de compétences repose sur l’étroite collaboration des institutions d’enseignement accréditées avec des employeurs ou des secteurs de l’industrie, des apprenants et parfois des partenaires communautaires. Pour mieux saisir ce choix d’eCampusOntario, les trois concepts qui sont à la base de son approche sont définis comme suit :
- « Confiance : La volonté d’accepter la validité des actions d’un autre agent, système ou d’une autre organisation. La confiance des apprenants et des employeurs en particulier s’est avérée un concept central dans de nombreuses publications sur les microtitres de compétences à ce jour.
- Valeur : Ce qu’un agent ou une organisation est prêt à échanger contre ce que possède un autre agent ou une autre organisation. La preuve de l’apprentissage ou des capacités acquises est souvent citée comme un élément clé de la valeur d’un microtitre de compétences.
- Échange : L’action de transmettre une valeur d’une organisation ou d’un agent à un autre. Dans le monde des microtitres de compétences, l’échange est souvent appuyé par l’évaluation et simplifié par un dossier numérique. »
Les microtitres de compétences se caractérisent par une grande diversité tant du côté de la conception que des moyens d’évaluation. Afin d’assurer une homogénéité dans la qualité des évaluations, les acteurs qui travaillent à leur développement ont mis en place certaines balises, tel que le décrit le référentiel sur les microtitres de compétences d’eCampusOntario :
« Les microtitres de compétences doivent être conçus pour répondre à des normes de qualité et inclure des principes de conception pédagogique tels que des compétences mesurables appropriées, ou des objectifs et résultats d’apprentissage. De même, la conception doit s’étendre au matériel et aux ressources pédagogiques, aux activités d’apprentissage et aux évaluations qui mesurent les compétences ou les objectifs énoncés. Idéalement, tous ces facteurs devraient être décidés au début de la conception de tout microtitre de compétences, en tenant compte des voies d’accès ou de la transférabilité; des sujets qui devraient être discutés et pris en compte par les coordinateurs et les présidents des programmes, ainsi que par le bureau du registraire. De même, il convient d’élaborer des attentes claires concernant les notes ou les données repères (comme la réussite ou l’échec) pour les aptitudes ou les compétences ciblées. »
Mentionnons enfin que la collaboration entre les établissements d’enseignement qui délivrent les microtitres de compétences et les collaborateurs pertinents du marché du travail est perçue comme une condition sine qua non pour mettre en place des évaluations fiables. Comme le souligne encore une fois le référentiel sur les microtitres de compétences d’eCampusOntario :
« Dans le cadre de l’évaluation des microtitres de compétences présentés par eCampusOntario, le ministère des Collèges et Universités de l’Ontario (2021) et l’UNESCO (2021), le consensus est que des caractéristiques communes impliquent une collaboration entre un établissement d’enseignement accrédité et un employeur ou un secteur de l’industrie. Ensemble, ils peuvent identifier, créer et évaluer une formation pertinente pour le lieu de travail, qui présente un intérêt pour l’apprenant, l’employeur ou le secteur de l’industrie. »
Un écosystème de collaboration et partenariats
À la base du concept de microtitre de compétences, il y a la volonté d’offrir une avenue flexible et adaptée aux nouvelles réalités du marché du travail. Autrement dit, d’aider les apprenants (travailleurs ou futurs travailleurs) peu importe où ils en sont dans leur parcours professionnel à développer des compétences ciblées recherchées par les employeurs; et parallèlement, de mieux répondre aux besoins des employeurs qui doivent pourvoir des postes plus spécialisés pour lesquels une certification de compétences démontrables facilite les processus de recrutement et d’embauche. Les employeurs s’intéresseraient d’ailleurs de plus en plus aux compétences démontrables de même qu’aux travailleurs qui manifestent un engagement pour le perfectionnement continu (Gallagher, 2018).
Dans ce contexte, il est souhaitable que les institutions d’enseignement qui envisagent de développer des microtitres de compétences le fassent en étroite collaboration avec les employeurs et les secteurs professionnels concernés. Des enquêtes menées dans le cadre du projet de recherche Donner un sens aux microcertifications mené par le Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur (COQES) ont permis de constater que cette collaboration est vue d’un bon œil par les différents partis impliqués, qui semblent tous y trouver leur compte, tel que le résume le rapport L’avenir est dans les microtitres de compétences :
« Les microtitres de compétences permettent une conception rapide afin de répondre aux besoins des employeurs et de l’industrie. Les recherches existantes indiquent que les intervenants estiment l’importance de cette caractéristique. Par exemple, une enquête montre que la « coordination avec l’industrie » est considérée comme la quatrième caractéristique la plus attrayante des microtitres de compétences pour les employeurs (Pichette et al., 2021, p.9). Une enquête plus générale auprès des Canadiens a révélé que la « reconnaissance par l’employeur » constitue la deuxième caractéristique la plus importante des microtitres de compétences pour ce groupe (Pichette et al., 2021, p.13). Plus impressionnant encore, dans une enquête menée auprès de représentants de collèges et d’universités, la coordination des microtitres de compétences avec l’industrie apparaît comme leur qualité la plus importante (Pichette et al., 2021, p.14; CICan, Le statut des microcrédits dans les collèges et instituts canadiens, 2021). De plus, en raison de l’importance qu’ils accordent à la pertinence en milieu de travail, les microtitres de compétences peuvent jouer un rôle considérable dans la promotion de systèmes améliorés d’apprentissage permanent et de perfectionnement continu de la main-d’œuvre. »
La genèse d’un microtitre de compétences se distingue de celle d’une formation postsecondaire traditionnelle, comme nous le rappelle le référentiel sur les microtitres de compétences d’eCampusOntario : « Il est important d’élaborer des microtitres de compétences en gardant l’objectif final à l’esprit; par exemple, en examinant les emplois très demandés sur le lieu de travail et en travaillant à rebours pour inclure et cibler les compétences et les attributs requis pour réussir ». Afin de respecter l’ADN des microtitres de compétences et pour favoriser leur bon déploiement, les employeurs et les secteurs professionnels concernés devraient être impliqués à différents stades du cycle de vie de ces formations et certifications. L’apport d’experts du milieu professionnel est souhaitable, que ce soit pour établir une certification commune et équitable qui soutient la reconnaissance et la transférabilité dans tous les secteurs, ou encore pour s’assurer que les compétences sont recherchées par l’industrie, qu’elles sont enseignées en fonction du contexte réel et évaluées de façon « authentique ». Comme le souligne le rapport L’avenir est dans les microtitres de compétences, « la collaboration permet de créer la confiance, la valeur et l’échange indispensables à l’émergence d’un écosystème robuste ».
Ajoutons que les microtitres de compétences peuvent représenter pour les employeurs une option attrayante, que ce soit pour mettre à jour ou améliorer les compétences de leurs employés, les former dans une compétence nouvellement requise (nouvelle technologie, par exemple), leur offrir de se perfectionner (et ainsi favoriser la rétention du personnel), ou encore pour soutenir l’égalité des chances chez des candidats potentiels à qui il manquerait une compétence exigée.
Préserver la valeur ajoutée d’un concept unique
Alors que le monde du travail connaît des changements rapides et profonds auxquels les employeurs, les travailleurs et les institutions d’enseignement doivent s’adapter, le concept de microtitres de compétences semble tout désigné pour compléter l’offre de formation postsecondaire actuelle. On doit sans doute à la popularité des formations courtes ouvertes en ligne offertes par divers prestataires d’avoir incité plusieurs systèmes d’enseignement établis à proposer un concept semblable, mais « intégrable » et qui répond à leurs normes de qualité. Malgré le fait qu’il n’y aura sans doute jamais de définition unique exhaustive ou universelle de ce concept, un consensus commence à se dessiner ici comme à l’international, indiquant l’urgente nécessité de développer ce type de formation et de certification. Bien que le concept doive encore relever certains défis, les microtitres de compétences semblent bien accueillis par les différents partis appelés à collaborer pour les mettre au monde. Il faut souligner l’effort d’eCampusOntario et de ses partenaires pour l’audacieuse initiative d’avoir lancé 36 projets pilotes et conçu un référentiel « évolutif » qui servira à mieux nous guider, ici comme ailleurs, dans la mise en place d’un écosystème de microtitres de compétences solide. En terminant, reprenons une importante recommandation du rapport L’avenir est dans les microtitres de compétences quant à la nécessité de préserver le caractère distinct qui fait la valeur ajoutée du concept :
« Il y a une volonté enthousiaste de définir les microtitres de compétences dans le modèle des modes traditionnels de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur; il n’en demeure pas moins que, essentiellement, les microtitres de compétences sont conçus pour être différents. Il est essentiel de se souvenir de la promesse des microtitres de compétences : un apprentissage de courte durée, très ciblé et pertinent pour le lieu de travail, qui donne accès à l’enseignement supérieur avec plus de flexibilité et moins d’obstacles. En mettant davantage l’accent sur la recherche, l’expérimentation, les pilotes et les conversations, on obtiendra non seulement davantage de données pour prendre des décisions éclairées, mais on favorisera également l’apprentissage et la croissance collectifs à mesure que nous nous rapprocherons du consensus. »
*eCampusOntario est un organisme sans but lucratif financé par la province de l’Ontario qui dirige un consortium de collèges, d’universités et d’instituts autochtones financés par le gouvernement provincial. Ses membres développent des plateformes, des outils et font de la recherche en vue de faire progresser l’utilisation des technologies éducatives et des environnements d’apprentissage numérique en faveur de l’apprentissage permanent.
Quelques initiatives à l’international
Europe. En juin 2022, le Conseil de l’Union européenne (UE) a adopté une recommandation sur une approche européenne des microcertifications pour l’apprentissage tout au long de la vie et l’employabilité. Cette recommandation a pour but de soutenir le développement, la mise en œuvre et la reconnaissance des microcertifications dans l’ensemble des institutions, entreprises et secteurs des états membres. Elle met de l’avant la nécessité d’une culture de l’apprentissage tout au long de la vie pour que chacun possède les connaissances, les aptitudes et les compétences nécessaires pour réussir dans la société, sur le marché du travail et dans sa vie personnelle. Plusieurs pays européens ont notamment créé des groupes de consultation et entrepris des initiatives pour mieux saisir le potentiel ou intégrer les microcertifications.
Nouvelle-Zélande. En 2018, la New Zealand Qualifications Authority (NZQA), l’entité publique du gouvernement néo-zélandais qui administre l’évaluation et les qualifications en matière d’éducation, a intégré les microcertifications comme partie reconnue et accréditée de son système d’éducation, afin que ce dernier reste pertinent pour le marché du travail. Les microcertifications sont soumises aux mêmes exigences et normes d’évaluation que les autres certifications. Elles doivent valoir de 5 à 40 crédits approuvés par le NZQA et être revues chaque année pour s’assurer qu’elles répondent toujours à leurs objectifs.
Australie. Dans la foulée de l’avènement du système de microcertifications de la New Zealand Qualifications Authority (NZQA), l’Australie a publié en mars 2022 un cadre national de microcertifications. Deux ans plus tôt, le gouvernement australien avait fait l’annonce d’un investissement de 4,3 millions de dollars à la création et à la gestion d’un marché et d’une plateforme pour des formations en ligne menant à des microcertifications. Aujourd’hui en activité, cette plateforme nationale permet aux apprenants de rechercher et de comparer les microcertifications offertes par les établissements d’enseignement supérieur enregistrés et les organismes de formation professionnelle sélectionnés.
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Auteure:
Catherine Meilleur
Stratège en communication et Rédactrice en chef @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative
Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.
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