La technologie évolue rapidement et ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle n’entre résolument et de multiples façons dans le domaine de l’éducation. La réalité virtuelle, la réalité augmentée ou même l’intelligence artificielle peuvent apporter des avantages à tout programme d’études. Toutefois, la condition première à la réussite de leur intégration est — comme pour celle de tout type de technologie — qu’elles favorisent l’atteinte des objectifs d’apprentissage. Recourir à la technologie pour le simple plaisir de le faire est inutile, voire contre-productif. En fait, lorsque les étudiants et le corps professoral ne perçoivent pas la technologie comme étant au service de l’apprentissage, ils ont tendance à la voir comme un gadget, ce qui fait obstacle aux efforts déployés pour qu’ils l’adoptent.
C’est dans cet esprit que nous vous présentons l’une de nos intégrations de réalité virtuelle — plus couramment désignée par l’abréviation anglophone VR — dans un cours de sociologie à l’Université Concordia.
Contexte
Lorsque l’emblématique brasserie Molson de Montréal a annoncé en 2018 qu’elle déménagerait ses bureaux hors de son bâtiment d’origine (datant de 1786), un morceau caché de l’histoire de Montréal a refait surface dans la sphère publique. L’un des nombreux événements marquants dont la brasserie a été témoin au cours de ses 200 ans d’histoire a été l’essor et le déclin du Faubourg à m’lasse, un quartier ouvrier francophone situé à côté de la brasserie, en bordure du fleuve Saint-Laurent.
Dans les années 1960, à la demande de la Ville tout ce quartier a été démoli pour faire place à de nouveaux mégaprojets urbains, alors que Montréal tentait de se moderniser. Aujourd’hui, c’est l’ancienne maison de Radio-Canada qui occupe le terrain où se trouvait autrefois le Faubourg.
Avant
1964. Vue aérienne du site déblayé de la future Maison de Radio-Canada, Faubourg à m’lasse. Archives de la Ville de Montréal. VM94-U124-2.
Après
1989. Vue aérienne de la Maison de Radio-Canada. Archives de la Ville de Montréal. VM94-B273-070.
Qu’est-il arrivé aux 5000 habitants du Faubourg qui ont dû être déplacés, relogés, expulsés? Quelle a été leur histoire? Comment tout cela s’est-il passé?
Pédagogie et technologie
Ce ne sont là que quelques-unes des questions auxquelles le cours « SOCI 280 – La société québécoise : Défis et enjeux » de l’Université Concordia tente de répondre. Le cours donne aux étudiants un aperçu de l’histoire et de la démographie du Québec, une connaissance de base des politiques sociales provinciales, de l’information sur les questions de culture, d’identité et de langue ainsi que sur les concepts clés utiles à quiconque souhaite vivre et travailler au Québec. Ayant reçu un mandat de l’Université Concordia pour déployer la nouvelle technologie de réalité virtuelle dans le programme d’études, le cours est devenu un candidat de choix pour tirer parti de cette nouvelle technologie, et ce pour de multiples raisons.
Tout d’abord, le professeur souhaitait faire connaître l’histoire du Faubourg aux étudiants. Le cours initial portait sur l’histoire et la société du Québec et comprenait une leçon consacrée à l’histoire de Montréal. Deuxièmement, l’équipe a dû relever le défi d’insuffler de la vie à un matériel qui se rapportait à quelque chose qui n’existe plus, le Faubourg ayant été démoli en 1963. Les étudiants ne pouvaient donc pas espérer revivre l’histoire du quartier en s’y rendant. Comment les ramener dans les années 1960 pour qu’ils soient témoins de la vie des habitants du Faubourg? Comment les mettre en contact avec cette partie disparue de l’histoire de Montréal d’une manière attrayante? La capacité d’immersion totale de la réalité virtuelle nous a donné une réponse : nous pouvions littéralement ramener les étudiants au Faubourg en réalité virtuelle.
Dans les coulisses
Heureusement pour l’équipe, avant sa démolition le Faubourg avait été méticuleusement documenté par des photographies, des séquences filmées, des témoignages et des enregistrements audio. En utilisant ce trésor d’archives comme référence et en consultant les documents de la CBC/Radio-Canada et de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), l’équipe a reconstruit virtuellement dans un moteur de jeu un appartement du Faubourg des années 1960 historiquement authentique.
Dans l’expérience que nous avons réalisée, les étudiants peuvent explorer un appartement du Faubourg des années 1960. Ce faisant, ils entrent en contact avec des publications, de la musique radiophonique, des séquences télévisées, des photographies et de nombreux autres objets de la vie quotidienne de l’époque. Grâce à cette expérience, ils peuvent découvrir la vie des habitants du Faubourg. Ils sont aussi accompagnés d’une narration qui leur offre une mise en contexte sur l’histoire et les derniers jours du Faubourg précédant sa démolition.
La production a duré trois mois. L’équipe était composée de concepteurs en expériences d’apprentissage qui se sont concentrés sur la pédagogie, de concepteurs de jeux qui se sont plongés dans les interactions de l’expérience ainsi que d’artistes techniques et de programmeurs qui ont travaillé « sous le capot » du moteur du jeu pour donner vie au Faubourg en tant qu’univers interactif et « vivant ». L’équipe de production a également produit un guide sur les meilleures pratiques pour mettre en œuvre la VR afin d’aider l’université à accélérer son intégration sur le campus.
Rôle du professeur
C’est le professeur qui a joué le rôle d’initiateur du concept. Nous sommes fermement convaincus que c’est l’être humain qui doit diriger la technologie, et non l’inverse. Par conséquent, les objectifs d’apprentissage, la pédagogie et la vision du professeur étaient primordiaux lors des différentes étapes du développement du projet.
Le professeur est celui à qui revenaient les décisions ultimes quant à la sélection du contenu et des objectifs d’apprentissage : il a établi la structure générale du contenu de l’expérience et a effectué des recherches en parallèle pour fournir les éléments d’information qui ont aidé l’équipe à concevoir une expérience cohérente et compatible avec le reste du cours. Il s’agissait de s’assurer que l’introduction de la nouvelle technologie serait aussi fluide que possible, que ce soit sur le plan du contenu ou de la pédagogie. Autrement dit, il fallait éviter que la visite du Faubourg ait l’air détachée du reste du cours, et cela a été rendu possible grâce à la participation du professeur à l’étape de la curation du contenu.
En revanche, l’implémentation du contenu consistant à lui donner forme et fonctionnalité dans une expérience interactive au sein du moteur de jeu a été entièrement prise en charge par l’équipe de production et n’a pas impliqué le professeur. Cette division a permis à ce dernier de se concentrer sur la pédagogie et le contenu tandis que l’équipe de production s’est occupée de tous les aspects techniques de l’intégration.
En complément:
- Réalité virtuelle 101
- [ENTREVUE] La réalité virtuelle dans l’apprentissage vue par un expert d’Ubisoft
- [ENTREVUE] On discute confort et performance en réalité virtuelle avec un expert d’Ubisoft
- [ENTREVUE] Accessible la réalité virtuelle? On en discute avec un expert d’Ubisoft
- Réalités virtuelle et augmentée : 8 usages au sein des universités
Écrivez un commentaire