Nous sommes tous assez familiers avec le phénomène d’illusions d’optique, mais moins avec celui des biais cognitifs. Pourtant, ces distorsions perceptives qui sont à notre mental ce que les illusions d’optique sont à notre système visuel nous incitent au quotidien à porter des jugements erronés ou à prendre de mauvaises décisions… Ces raccourcis de l’esprit qui permettent au cerveau de simplifier le traitement de l’information sont inévitables, mais on peut apprendre à mieux les détecter, en commençant par en avoir une meilleure connaissance.
À vos méninges
Je vous invite d’entrée de jeu à répondre spontanément à la devinette qui suit :
« Je suis la sœur de deux athlètes olympiques. Pourtant ces deux athlètes ne sont pas mes sœurs. Comment est-ce possible? »
Vous pouvez aller voir la solution qui se trouve plus loin dans l’article. Bravo, si vous avez eu la bonne réponse! Votre esprit critique est bien entraîné. Il y a toutefois fort à parier que vous vous êtes trompé, bien que vous ayez cru réfléchir de façon tout à fait logique et rationnelle. En fait, c’est votre cerveau qui a réussi à vous tromper, comme il le fait très souvent, par des processus cognitifs qui lui permettent, sous certaines contraintes, de fournir des réponses rapides et intuitives satisfaisantes… en apparence.
Les dessous des biais cognitifs
Tel que nous l’expliquons dans l’article Les 3 vitesses de la pensée, lorsque ces pensées intuitives nous induisent en erreur, on les qualifie de « biais cognitifs ». Ce processus cérébral est automatique et inconscient, et si l’on peut dans une certaine mesure intervenir sur lui après coup, il reste impossible à empêcher.
D’après une classification récente de Buster Benson (2016), il y aurait quatre raisons pour lesquelles le cerveau recourt aux biais cognitifs :
- une surabondance d’information à traiter;
- le besoin de donner du sens;
- la nécessité d’agir rapidement;
- le besoin de mémoriser de l’information pour un usage ultérieur, vu nos capacités cognitives limitées.
On dénombre quelque 250 biais cognitifs que l’on classe en général dans l’une des cinq catégories suivantes :
Biais… | Notre perception est affectée par… |
---|---|
attentionnels ou d’attention | des facteurs sélectifs de notre attention |
mnésique | des facteurs en lien avec notre mémoire |
de jugement | une déformation de notre jugement |
de raisonnement | des paradoxes dans notre raisonnement |
liés à la personnalité | des facteurs socioculturels |
Notons que certains incluent aussi dans cette catégorisation les biais sensori-moteurs. Toutefois, puisque ces derniers relèvent d’une autre forme de processus (sensoriels et moteurs), il est plus juste de les qualifier d’« illusions » liées aux sens et à la motricité — pensons à l’illusion d’optique.
Un échantillon
Développer son esprit critique et ses compétences métacognitives, de même qu’avoir du recul sur ses émotions lorsqu’on prend une décision est nécessaire selon le chercheur Olivier Houdé pour mieux lutter contre ces pièges que nous tend notre cerveau. Connaître quelques-uns des différents biais cognitifs qui ont été identifiés jusqu’à présent, dont voici un échantillon est aussi utile, ne serait-ce que pour prendre conscience que nous en sommes bel et bien victimes…
Le biais de confirmation. Aussi appelé biais de confirmation d’hypothèse, ce biais cognitif est cette tendance à privilégier les informations qui vont dans le sens de nos hypothèses ou idées préconçues et à sous-estimer ou ignorer les informations qui jouent en leur défaveur.
L’erreur fondamentale d’attribution. Parfois appelé biais d’internalité, l’erreur fondamentale d’attribution consiste à surestimer les caractéristiques personnelles des individus — leur personnalité, leurs opinions, leurs intentions, etc. — pour expliquer leur comportement et à sous-évaluer les facteurs externes et situationnels qui pourraient être considérés.
L’excès de confiance. Ce biais cognitif qui toucherait plus de la moitié d’entre nous (!) consiste à surestimer ses capacités, notamment par rapport à celles des autres. Nous serions de ce fait nombreux à estimer jouir d’une intelligence supérieure à la moyenne…
Le biais d’ancrage. Aussi appelé biais de point de départ, le biais d’ancrage est cette tendance à recourir à tort à une information, souvent celle acquise en premier, comme référence pour prendre une décision et à ne plus prendre en considération de nouvelles informations. Notons que dans le jargon de la psychologie, l’« ancrage » renvoie à la difficulté à se départir d’une première impression.
Le biais rétrospectif. Ce biais cognitif — qui peut se résumer par le classique « Je le savais dès le départ! » — consiste à surestimer, après qu’un événement eut lieu, le fait que celui-ci était prévisible ou probable. On cherche en fait à rendre le présent (l’événement une fois réalisé) en phase avec le passé, soit le contexte précédant l’événement.
Solution de la devinette : « Ces deux athlètes olympiques sont mes frères! Ce n’est pas parce que je suis une fille que je n’ai que des sœurs. »
En complément :
- Les 3 vitesses de la pensée
- Métacognition 101
- La métacognition en 3 questions
- Développez vos compétences métacognitives
- L’importance des émotions dans l’apprentissage
- Composer avec l’incertitude en 3 étapes
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Auteure:
Catherine Meilleur
Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative
Catherine Meilleur possède plus de 15 ans d’expérience en recherche et en rédaction. Ayant travaillé comme journaliste, vulgarisatrice scientifique et conceptrice pédagogique, elle s’intéresse à tout ce qui touche l’apprentissage : de la psychopédagogie aux neurosciences, en passant par les dernières innovations qui peuvent servir les apprenants, telles que la réalité virtuelle et augmentée. Elle se passionne aussi pour les questions liées à l’avenir de l’éducation à l’heure où se pointe une véritable révolution, propulsée par le numérique et l’intelligence artificielle.
cela peut aussi être utilisé comme méthode d’influence des comportements tirant parti de la rationalité limitée, c’est le principe du « nudge » qui peut être un biais de perception positif, par exemple une incitation utile comportementale à la sécurité : http://www.officiel-prevention.com/formation/conseils/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=183&dossid=587