Lorsque des articles sur les tendances annuelles d’un secteur sont publiés en ligne, leurs auteurs ont tendance à aborder des thèmes très généraux, tels que des changements de paradigmes, la venue de technologies perturbatrices, etc. En réalité, la mise en œuvre de tout élément ayant un impact considérable sur l’ensemble d’un secteur prend du temps à se manifester — en général des années — et ne devient évidente que lorsque les utilisateurs visés ou la société en général le demandent largement ou encore lorsque les coûts qui y sont associés sont assez bas pour les rendre rentables. Ainsi, si on simplifie les choses et que l’on se concentre sur l’industrie de l’enseignement supérieur, les tendances 2022 pourraient se résumer par l’expression « Rien de nouveau sous le soleil! ». Cela dit, des nuances s’imposent.
Le seul facteur qui peut être considéré comme étant réellement « perturbateur » ces derniers temps est la pandémie de COVID-19. Cette situation a eu – et a malheureusement toujours — un impact considérable sur de nombreux secteurs et encore davantage sur nos vies quotidiennes. La nécessité d’un virage rapide vers le numérique a créé de nombreux obstacles à l’offre d’une solution alternative fluide à l’enseignement traditionnel en classe. Pensons à l’usage de technologies avec lesquelles le plus grand nombre n’était pas forcément à l’aise ou encore le recours à des solutions qui n’avaient pas été suffisamment testées pour garantir un déploiement sans embuches. Cependant, une crise est parfois porteuse d’une multitude d’occasions qui nous obligent à nous adapter à de nouvelles situations et à réévaluer notre modus operandi.
Les défis qui nous attendent découlent principalement de la manière dont nous allons intégrer les leçons apprises dans nos nouvelles façons d’enseigner, dans une flexibilité pédagogique qui, plus qu’une solution temporaire pendant la pandémie, doit être transformée en stratégie à long terme.
Bref retour sur 2021
Si l’on repense à l’année qui vient de s’écouler, une grande partie de celle-ci a encore été placée sous le signe de la fermeture des campus, des visioconférences Zoom et des nombreuses coupes budgétaires en éducation un peu partout dans le monde.
Selon une étude réalisée par la Banque mondiale et l’Education Finance Watch (EFW) de l’UNESCO, les deux tiers des pays à revenu faible ou moyen inférieur ont réduit leurs budgets d’éducation publique depuis le début de la pandémie de COVID-19. En plus du manque de financement nécessaire pour fournir une éducation adéquate, le virage vers l’apprentissage à distance/en ligne, bien que mis en œuvre dans le monde entier, s’est avéré de qualité très inégale ayant un impact négatif plus marqué sur les étudiants les plus marginalisés.
En enseignement supérieur, plusieurs universités ont dû trouver des solutions pour faire face à la baisse du nombre d’étudiants internationaux et à la diminution du financement qui en a découlé. Au Canada, une étude réalisée pour la période de 2019 à 2020 a révélé qu’en termes de perte de produit intérieur brut, les provinces comptant le plus grand nombre d’étudiants étrangers étaient les plus touchées, l’Ontario perdant plus de 4,1 milliards de dollars de PIB, suivi de la Colombie-Britannique et du Québec, accusant respectivement des pertes de 1,2 milliard de dollars et d’un peu plus d’un milliard de dollars.
C’est sans compter la perte des revenus générés par la consommation des étudiants qui a créé un manque de 4,5 milliards de dollars canadiens en revenus du travail, ce qui équivaut à 64 300 emplois à temps plein de moins au Canada (directement et indirectement).
Dire que la COVID-19 a eu un impact sur le système d’éducation partout sur la planète est encore un euphémisme, et en regardant comment 2022 vient de débuter, il est facile de prévoir que cette réalité risque de perdurer dans les années à venir.
Technologies
Les technologies susceptibles de régir l’avenir immédiat du monde de l’éducation tourneront encore autour de l’enseignement en ligne. L’un des problèmes que les universités doivent résoudre est la surveillance des examens à distance, l’efficacité et le coût des solutions offertes étant très variables.
Même avec l’espoir que la pandémie soit bientôt derrière nous, il est probable que les solutions en ligne évoluent et soient intégrées dans des proportions croissantes aux programmes d’enseignement supérieur, sans toutefois prendre le pas sur l’enseignement traditionnel en classe. Autrement dit, l’avenir à court terme s’annonce mixte, combinant des prestations pédagogiques en présentiel et en ligne, ce qui permet aux universités suffisamment de flexibilité pour répondre à toute perturbation et, plus encore, pour fournir aux étudiants un enseignement qui concorde mieux avec leurs habitudes technologiques.
« La pandémie a amené les universités à repenser de manière fondamentale la valeur ajoutée des enseignants ainsi que la manière de mieux en faire profiter les étudiants et de justifier pourquoi ces derniers devraient se rendre sur le campus, ne serait-ce que pour assister à un cours magistral où ils sont passifs. C’est sans compter qu’elles doivent optimiser l’enseignement et l’apprentissage en combinant mieux les approches en ligne et en face à face, en mettant l’accent sur l’apprentissage actif. »
Anik De St-Hilaire – VP Développement académique @KnowledgeOne
On s’attend aussi à ce que, lentement mais sûrement, les technologies immersives soient plus présentes dans le paysage de l’apprentissage, des technologies qui incluent la réalité augmentée (AR), la réalité virtuelle (VR) et la réalité étendue (XR).
Vous pouvez consulter ci-dessous un exemple sur lequel nous avons travaillé :
« Il y a trois ou quatre ans, un casque de réalité virtuelle coûtait entre 600 et 2000 dollars; et ce prix n’incluait pas l’ordinateur performant auquel le casque devait être relié par un long câble. Aujourd’hui, on peut se procurer des casques autonomes, sans fil, ayant six degrés de liberté et de bonnes performances pour un prix entre 300 et 600 dollars. Outre la baisse générale des prix, il est important d’examiner l’utilité et la polyvalence de ce type d’équipement. Les casques autonomes offrent de nouvelles possibilités de faire entrer la VR dans la salle de classe et de l’amener hors de celle-ci, voire hors du campus. Alors que les étudiants auraient dû « aller à la VR » pour accéder aux casques câblés, il est maintenant possible d’amener la VR aux étudiants. Puisque la technologie coûte moins cher et qu’elle est plus facile à utiliser, une accélération de son adoption devrait s’en suivre. »
Ping Ng — Concepteur d’expérience d’apprentissage @KnowledgeOne
En ce qui concerne l’apprentissage mobile, même s’il permet aux apprenants de consommer du contenu au moment et à l’endroit qui leur convient, il est peu probable que sur le marché de l’enseignement supérieur cette flexibilité soit un élément moteur, et ce, surtout en raison de la nature et de la taille du contenu devant être assimilé par les étudiants. En revanche, l’apprentissage mobile peut être considéré comme une solution viable pour la formation en entreprise, sans pour autant prendre le pas sur les autres solutions d’apprentissage et de formation en ligne.
Du côté de l’intelligence artificielle (IA), on s’attend à en voir plus d’exemples d’utilisation en éducation. La portée de ces cas ne prendra probablement pas le dessus dans l’industrie, mais il est très probable que l’on voit des étapes significatives vers l’automatisation de certains aspects de l’apprentissage être franchies.
« Pour 2022 et les années à venir, je pense que l’utilisation de l’IA en éducation sera l’un des éléments émergents. Par exemple, j’explore actuellement l’analyse de l’apprentissage à l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique, et j’ai créé pour le soutien aux professeurs un prototype d’agent conversationnel utilisant Watson de IBM qui est intégré à Moodle. Il existe déjà de nombreux autres exemples d’IA dans l’éducation, comme les systèmes de tutorat intelligents et les systèmes de recommandation. »
Yamna Ettarres — Spécialiste des technologies d’apprentissage @KnowledgeOne
Enfin, en ce qui concerne l’aspect technologique des tendances, on s’attend à une utilisation accrue des outils d’apprentissage rapide en ligne pour transférer le contenu des cours vers des plateformes en ligne. Cela dit, bien qu’elles aient leur utilité, les présentations PowerPoint surchargées de puces ne peuvent assurément plus être considérées comme un outil pédagogique en ligne viable.
Contenu
On peut s’attendre à des changements considérables en termes de contenu et de présentation de contenu pour l’année à venir et celles qui suivront. L’un des faits qui ressortent clairement de l’examen de l’impact qu’a eu la pandémie et qu’elle a toujours sur notre société est qu’elle a affecté les individus et les communautés sur différents plans et à des degrés divers. L’éloignement physique, l’auto-isolement et la fermeture des campus, pour n’en citer que quelques-uns, ont affaibli les systèmes de soutien nécessaires à de nombreux étudiants. Même si créer un sens de communauté dans les environnements en ligne n’est pas une mince tâche, celle-ci s’avère plus que jamais essentielle.
Dans le même ordre d’idées, l’un des aspects qui ont parfois été négligés lors de la ruée vers les formats en ligne est la création de solutions accessibles. Bien franchement, avec la myriade d’appareils d’assistance et de logiciels accessibles qui sont offerts, l’absence de cours viables et accessibles est difficile à excuser.
La vidéo ci-dessous présente un exemple de l’un de nos cours en ligne accessibles :
Les questions sociales, qu’il s’agisse de discrimination raciale, d’inégalité entre les sexes ou de violence sexuelle, représentent un autre enjeu qui devrait être davantage abordé dans les années à venir, non pas sous forme de programmes de cours, mais plutôt de formations obligatoires pour l’ensemble du personnel et des étudiants. Prenons par exemple le cours que nous avons créé avec l’Université Concordia sur la sensibilisation et la prévention de la violence sexuelle et qui est à l’heure actuelle offert dans plusieurs universités canadiennes.
Les ressources éducatives libres (REL) devraient également gagner en popularité cette année, de plus en plus de ressources étant disponibles gratuitement. Les REL sont, comme les décrit l’UNESCO, des « matériels d’enseignement, d’apprentissage et de recherche sur tout support – numérique ou autre — qui résident dans le domaine public ou qui sont publiés sous une licence ouverte qui permet l’accès, l’utilisation, l’adaptation et la redistribution à titre gratuit par d’autres personnes sans restriction ou avec des restrictions limitées. »
Les éléments de ludification sont aussi susceptibles d’être plus présents, surtout si l’on considère la nécessité de susciter de l’engagement chez les apprenants dans les environnements d’apprentissage en ligne. L’un de nos exemples en ce sens est le programme de formation en ligne que nous avons créé en collaboration avec Ubisoft qui invite les étudiants de partout à découvrir des moyens innovants de créer des jeux vidéo attrayants. Précisons que différents établissements universitaires à travers le monde ont déjà intégré ce programme à leur offre de cours.
Vu la croissance rapide des cours en ligne, on s’attend à ce que l’enseignement par vidéo, en mode synchrone comme asynchrone, prenne le relais des lectures obligatoires souvent redoutées.
« Je pense que le contenu écrit sera de moins en moins présent dans l’apprentissage en ligne et que la tendance continuera à s’orienter vers les interactions et les expériences vidéo. Cela se produira très probablement en raison des habitudes de consommation numérique des étudiants d’aujourd’hui et de l’impact de ces habitudes sur leurs niveaux de concentration. »
Stephanie Trott — Directrice, Développement des cours @KnowledgeOne
Alors, du nouveau sous le soleil pour 2022?
Bien que la plupart des éléments décrits ci-dessus soient en continuité avec les efforts déployés au cours des années précédentes, nous pouvons envisager l’année 2022 sous l’angle de l’expression « Rien ne change sauf notre besoin de changer! ». En d’autres termes, en tant qu’industrie, l’éducation est un bateau à vapeur qui se déplace lentement, qui n’est pas facile à diriger, mais qui, une fois qu’il atteint les eaux rapides, a grand besoin de stratégies adaptées. Cette année, l’objectif principal de nombreux établissements d’enseignement devrait être de mettre en place des stratégies qui leur permettront de changer de vitesse de croisière pour s’adapter aux éléments qui risquent de perturber leur normalité dans les années à venir.
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