Par son préfixe « auto », le terme autoformation renvoie à la formation « par soi-même » en opposition à l’hétéroformation, qui signifie la formation « par l’autre ». Sous plusieurs aspects, ce mode d’apprentissage est fort bien adapté à nos besoins contemporains en matière de formation tout au long de la vie. Toutefois, il est mal connu. On le confond souvent avec d’autres approches, lorsqu’on ne le prend pas à tort pour une démarche solitaire qui ne convient qu’à une poignée d’autodidactes doués. Tentons d’y voir de plus près!
D’abord, ce qu’elle n’est pas!
Se cultiver en solitaire dans ses temps libres, ce n’est pas forcément de l’autoformation, pas plus que de s’adonner à une recherche d’information sur le Web… Par ailleurs, l’autoformation n’est pas un concept englobant qui désignerait toute forme d’apprentissage novatrice autre que le traditionnel cours magistral.
Enfin, l’autoformation se distingue de l’individualisation en éducation, de l’apprentissage par l’expérience (ou expérientiel) et de l’apprentissage à distance, qui sont les trois approches avec lesquelles on la confond le plus souvent.
Résumons en quoi consistent ces trois approches et quel rapport elles entretiennent avec l’autoformation…
En pédagogie, l’individualisation est un moyen qui permet d’adapter ou de « personnaliser » pour l’apprenant le contenu et les objectifs communs à la classe. Grâce à l’intelligence artificielle (IA), cette approche a aujourd’hui sa version high-tech en formation en ligne : l’apprentissage adaptatif.
→ Son rapport avec l’autoformation : L’individualisation peut prendre diverses formes et le degré d’autonomie de l’apprenant par rapport à son apprentissage peut varier, mais elle ne requiert pas forcément de l’individu une démarche d’autoapprentissage. L’individualisation peut cependant offrir des conditions propices à l’autoformation.
L’apprentissage par l’expérience repose sur l’idée que l’individu peut apprendre en agissant, et qu’en mettant ses connaissances et habiletés à l’épreuve il en acquière de nouvelles. Ce mode d’apprentissage implique de la part de l’individu une réflexion approfondie de son expérience, en amont comme en aval de celle-ci, en vue d’en extraire un sens et de réinvestir le nouveau savoir acquis. Cette approche aide l’apprenant à lier la théorie à sa mise en pratique dans divers contextes.
→ Son rapport avec l’autoformation : L’apprentissage par l’expérience et l’autoapprentissage sont bel et bien des approches parentes. L’expérience peut être au cœur d’une démarche d’autoformation, notamment lorsque cette dernière vise l’acquisition de compétences professionnelles. La réflexion constante de l’individu sur les actions qu’il pose est aussi au centre de l’autoformation puisque c’est le mécanisme qui lui permet de réguler (gérer) son processus d’apprentissage.
L’apprentissage à distance est un mode d’apprentissage qui offre à l’apprenant une flexibilité quant aux lieux et aux moments de formation que l’apprentissage présentiel ne permet pas. En contrepartie, elle peut exiger de l’apprenant une plus grande capacité d’autonomie. De nos jours, l’apprentissage à distance réfère le plus souvent à l’apprentissage en ligne, qui peut d’ailleurs être personnalisé (voir Apprentissage adaptatif intelligent : à chacun sa formation!).
→ Son rapport avec l’autoformation : L’apprentissage à distance peut s’avérer propice tant à l’autoformation qu’à l’hétéroformation. Le fait d’avoir de bonnes capacités d’autoapprentissage peut aider à se sentir l’aise avec les technologies utilisées en formation en ligne.
Trois définitions de l’autoformation
Comme plusieurs notions qui ont suscité l’engouement de nombreux théoriciens aux influences diverses, l’autoformation a souffert d’imprécisions à la fois conceptuelles et terminologiques. Encore aujourd’hui, elle reste une notion mouvante. Les chercheurs s’accordent cependant sur le fait qu’il s’agit d’une approche qui « amène un contrôle accru de la personne sur son apprentissage et sur un nombre varié d’étapes et de composantes de son apprentissage ». Vous aurez compris qu’il existe de nombreuses définitions de l’autoformation. Je vous en propose trois.
La première est de Nicole Anne Tremblay qui, dans son ouvrage L’autoformation : pour apprendre autrement, s’adonne à une analyse poussée du concept et de ses influences. Alors que les visions de l’autoformation qui ont primé — même au sein des sciences de l’éducation — ont d’abord été celles de la psychologie et de la sociologie, la définition de Tremblay a de particulier de remettre le concept aux sciences l’éducation, à qui il devrait appartenir en premier lieu selon elle. L’auteure précise : « […] la définition qui va suivre prend la position claire de situer l’autoformation dans ce qui me semble relever de manière spécifique, prioritaire et exclusive des sciences de l’éducation et sous-entend une sorte de plaidoyer en faveur de la pédagogie et de l’andragogie comme matrices porteuses du phénomène. »
Définition de l’autoformation dans la perspective des sciences de l’éducation :
« Situation éducative (pédagogique ou andragogique), scolaire ou extrascolaire, favorable à la réalisation d’un projet pendant lequel la plus grande motivation d’une personne est d’acquérir des connaissances (savoir) et des habiletés (savoir-faire) ou de procéder à un changement durable en soi-même (savoir-être). Pour ce faire, cette personne assume un contrôle prépondérant en regard d’une ou de plusieurs dimensions de son projet : contenu, objectifs, ressources, démarche et évaluation. »
2) La deuxième définition est tirée d’un rapport de recherche de Francine d’Ortun sur les compétences des travailleurs acquises par l’autoformation. Il s’agit d’une définition plus courte et consensuelle, mais surtout adaptée à l’univers du travail. Ce point est important puisque la formation continue fait partie de la réalité de plus en plus de travailleurs et que les milieux professionnels gagnent à devenir des lieux privilégiés d’autoformation.
Définition de l’autoformation dans la perspective du milieu du travail :
« Mode de formation où l’apprenant prend l’initiative et choisit de manière autonome les buts et les méthodes d’apprentissage et acquiert des connaissances en utilisant ses propres ressources et celles de son milieu. »
3) Enfin, la troisième définition provient du Dictionnaire de la formation : apprendre à l’ère du numérique (2018) de Denis Cristol. Il s’agit d’une version actualisée et englobante du concept qui tient compte des changements apportés par les technologies de l’information et des communications en pédagogie.
Définition de l’autoformation actualisée et globalisante :
« L’apprenance est marquée par l’irruption de « l’auto » sous toutes ses formes faisant de l’individu non seulement un agent, ou un acteur, mais également un auteur de son apprentissage. L’individu intervient ou est appelé à intervenir à toutes les étapes de son apprentissage. De la construction de son propre projet au pilotage de la réalisation de celui-ci. On évoque alors l’autoformation : en anglais self-directed learning, se former soi-même sans maître, de manière autonome. L’autoformation est différente de la solo formation, ce n’est pas se former seul. L’autonomie suppose l’ouverture à l’autre, elle répugne autant à la solitude qu’à la fusion. Des sociabilités autodidactiques sont observables (Cyrot, 2009). […] La possession d’ordinateurs et de smartphones à titre personnel ou au travail, les ressources en ligne et la facilité d’accès à des contenus des personnes et des réseaux renforcent la possibilité d’apprendre par soi-même ou autoformation en ligne. Ils permettent de s’affranchir des limites physiques (temps de déplacement) ou financière (coût moins élevé d’accès à des informations). Les conditions technologiques sont une opportunité de réponse aux besoins autodidactes. Par exemple : les pratiques d’autodocumentation, d’autodiagnostic, d’auto-monitoring sont soutenues par des navigateurs, des moteurs de recherche, des logiciels et des tutoriels. »
Afin de vous donner une idée des influences nombreuses et variées qui ont nourri le concept d’autoformation, nous vous présenterons dans un article à venir quelques moments charnières de son évolution.
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