Perturbante, challengeante ou même à certains égards terrifiante… ce ne sont là que quelques-unes des étiquettes que l’on peut facilement accoler à l’impact qu’a eu sur notre société l’année qui vient de finir. Frappée par ce qui reste une crise sanitaire, l’année 2020 s’est révélée particulièrement difficile en raison des répercussions importantes qui ont touché notre vie quotidienne, et ce à plusieurs niveaux. À plus grande échelle, les défis posés par la COVID-19 se sont multipliés dans différents secteurs d’activité et les effets négatifs de ces derniers pourraient être considérables et perdurer.
En ce qui concerne le secteur de l’éducation en particulier, sans vouloir classer par ordre d’importance les problèmes auxquels nous faisons face ni en dresser une liste exhaustive, voici des éléments qui sont ressortis d’une discussion virtuelle avec quelques-uns de mes collègues et qui, selon nous, ont façonné notre secteur en 2020.
L’impact sur l’éducation dans son ensemble
Selon l’UNESCO, la pandémie a touché à son apogée près de 85 % du nombre total d’étudiants dans le monde (1.484.712.787 étudiants des 172 pays qui ont décidé d’imposer des fermetures d’écoles). Je vous laisse saisir l’ampleur de ce chiffre… Pendant un certain temps donc, la plupart des apprenants de la planète n’ont pas eu accès à un système d’éducation traditionnel.
Si les fermetures étaient justifiées pour ralentir la propagation de la COVID-19 à l’aide de mesures préventives telles que l’éloignement social et l’auto-isolement, surtout lorsqu’elles ont été mises en œuvre rapidement, l’impact global que cette mesure a eu sur l’éducation a néanmoins été significatif.
L’urgence de trouver des solutions
C’est ici que les outils et les ressources en ligne ont pris le relais! Ces outils ont été une bouée de sauvetage pour nombre d’institutions qui étaient pressées de rescaper l’année scolaire. Et pour la plupart, ils ont fait ce qu’ils étaient censés faire : offrir une solution rapide à un problème qui prenait de l’ampleur. Cependant, ces outils et ressources ont aussi mis en relief le fait que de nombreux établissements d’enseignement ne disposaient pas de stratégie en ligne appropriée. Cela s’est avéré encore plus problématique pour les établissements d’enseignement supérieur dont le modèle d’affaires repose en grande partie sur une clientèle d’étudiants étrangers, se retrouvant alors en manque de moyens d’offrir un enseignement à la hauteur de leurs standards habituels.
Les recommandations provenant d’un large éventail d’organisations se sont multipliées et ont pour la plupart contribué à créer un contexte de fortune qui a permis, tant bien que mal, de soutenir un objectif éducatif. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a même créé un cadre pour guider une réponse éducative à la pandémie de COVID-19 pour l’enseignement à distance. Ce rapport visait à « soutenir la prise de décision en matière d’éducation, afin de développer et de mettre en œuvre des réponses éducatives efficaces à la pandémie de COVID-19. […] Sur la base d’une évaluation rapide des besoins en matière d’éducation et des réponses émergentes dans quatre-vingt-dix-huit pays, le rapport a identifié les besoins les plus importants devant être satisfaits […], ainsi que les domaines susceptibles de rencontrer davantage de difficultés de mise en œuvre. »
La technologie ce n’est pas l’« éducation »
Comme n’importe quel outil, la technologie n’est valable que si elle est utilisée, et utilisée judicieusement. Quelle que soit leur disponibilité, les outils et ressources en ligne offrent un cadre permettant de créer un environnement d’apprentissage, mais ne sont pas à eux seuls synonymes d’apprentissage.
L’un des problèmes posés lors de la création de solutions en ligne relève du fait qu’un contenu conçu pour la classe ne se transpose pas très bien en étant simplement copié-collé sur un support virtuel. Les apprenants ne s’engagent pas de la même manière et ne perçoivent pas l’information de la même façon lorsqu’ils apprennent en classe ou en ligne. On sait qu’il est essentiel d’adapter la conception pédagogique pour le mode en ligne; ce que les établissements d’enseignement n’étaient pas tous en mesure de faire. Bien sûr, s’ajoutent à cela les enjeux liés au fait que les enseignants ne sont pas tous également prêts à enseigner en distanciel.
L’enseignement en ligne lui-même sera, par ailleurs, très probablement confronté à un problème de perception au sortir de la crise dû au fait que les apprenants pourraient l’associer aux mauvaises expériences offertes dans la précipitation par certains établissements d’enseignement. Ce qui serait susceptible de faire douter des avantages des solutions d’apprentissage en ligne, y compris de celles qui sont bien établies.
Les disparités économiques mises en évidence
Outre la crise sanitaire, la COVID-19 a également fait ressortir les disparités économiques entre les apprenants. Alors que certains considèrent la technologie et les appareils connectés comme un acquis, la pandémie a coupé l’accès à l’éducation à de nombreux apprenants qui ne disposaient pas des moyens nécessaires. Comme le souligne le rapport de l’OCDE, « en moyenne dans les pays de l’OCDE, 9 % des élèves de 15 ans n’ont pas, chez eux, d’endroit tranquille pour travailler ». De plus, l’apprentissage en ligne ne nécessite pas seulement un lieu d’étude, mais aussi un ordinateur, auquel les ménages défavorisés n’ont souvent pas accès. C’est sans compter que « l’existence de dispositifs ne dit pas grand-chose sur le fait qu’ils sont adéquats ». Ajoutez à cela la nécessité d’une connexion internet fiable sans laquelle l’accès à l’éducation en ligne peut être considérablement entravé. En bref, les plus vulnérables de nos sociétés sont devenus encore plus vulnérables sur le plan de l’éducation à la lumière de la pandémie de COVID-19.
L’apprentissage en ligne a le pouvoir de démocratiser l’éducation et de proposer des programmes d’études souples et actualisés à un plus grand nombre d’étudiants; toutefois, cela signifie que les gouvernements doivent s’engager pleinement dans l’avenir de l’apprentissage. Il est impossible d’offrir un enseignement en ligne à tous les étudiants, alors que l’accès à l’internet reste un problème important. Il en va de même pour les étudiants issus de familles à faibles revenus, pour lesquels s’acheter un ordinateur portable signifie qu’ils devront le partager avec d’autres membres de leur famille, une situation qui pourrait être problématique.
Mike Talamantes – Commis à la comptabilité
Solutions adaptées aux problèmes en ligne
Même lorsque les solutions en ligne en matière d’éducation semblent fonctionner, celles-ci s’accompagnent de défis particuliers. La tricherie contractuelle et le partage de dossiers scolaires ont été reconnus comme étant problématiques. Bien qu’il existe des solutions de surveillance en ligne, la majorité d’entre elles ont été rejetées par les étudiants, qui sont soucieux de protéger leurs données personnelles.
L’un des défis auxquels fait face l’apprentissage en ligne est la tricherie. Il y a des outils de contrôle qui ont été utilisés pour essayer d’y remédier, en empêchant la tricherie lors des examens en ligne. Cela a mis en lumière certaines préoccupations en matière de protection de la vie privée. On a vu beaucoup de pétitions circuler au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde par lesquelles des étudiants s’opposaient à ces outils de contrôle. Où est la limite entre la violation de la vie privée et la garantie qu’il n’y a pas de tricherie? Et comment assurer aux étudiants que l’accès à leurs appareils est limité de manière appropriée aux seuls éléments d’examen?
Cynthia Sarette – Vice-présidente des ressources humaines
Un autre aspect qui ne semble avoir été pris en compte dans la plupart des réponses à cette crise de l’éducation est le manque de solutions accessibles adaptées aux apprenants handicapés.
Je dirais (comme probablement beaucoup d’autres aussi) que l’intégration de l’accessibilité ou plus précisément de l’inclusion a représenté le plus grand défi en éducation en 2020 et que ce sera aussi le cas en 2021. On est toujours en train d’apprendre et surtout d’améliorer notre approche au fur et à mesure. Mais lorsqu’il s’agit de s’adapter avec succès à l’inclusion, il ne s’agit pas seulement de faire évoluer nos pratiques et nos processus; c’est aussi une question de mentalité et d’acceptation.
Carmelo Cipolla – Lead, développeur interactif
La santé mentale sous pression
Le lien entre la santé mentale et la réussite scolaire devrait être évident pour tout le monde. La pandémie nous a incités comme jamais à nous rassembler dans des espaces virtuels. Même si nous pouvons créer des environnements en ligne qui favorisent l’éducation et dans lesquels un sens de la communauté peut se développer, ceux-ci fonctionnent tant que le reste de notre vie conserve un certain degré de liberté. Rappelons que les mesures de confinement ont également éliminé des services de santé mentale que de nombreux étudiants recevaient par l’intermédiaire de leur établissement d’enseignement. Et la pandémie pourrait aggraver les problèmes de santé mentale existants de nombreux étudiants par la combinaison de la crise sanitaire, de l’isolement social et des problèmes économiques subis.
Dans de nombreux cas, l’éducation en ligne a été une bouée de sauvetage, tant pour les établissements d’enseignement qui ont pu grâce à l’apprentissage en ligne continuer à soutenir leurs étudiants et éviter de fermer complètement, que pour les personnes qui, bloquées chez elles, ont trouvé refuge dans tant de cours en ligne disponibles auprès d’une multitude de sources et d’institutions. D’autre part, pour de nombreux apprenants, adultes comme enfants, le passage à l’apprentissage en ligne a également signifié la coupure forcée de leurs interactions sociales, de la camaraderie liée au fait d’apprendre en compagnie d’un groupe de pairs ou encore d’apprendre de ces derniers.
Patricia Munteanu – Coordonatrice de cours et d’implémentation
En 2020, j’ai créé des cours en ligne, mais j’ai aussi suivi deux cours de deuxième cycle universitaire en ligne. L’un a été mis en place en mode synchrone et l’autre en mode asynchrone. J’ai été surprise de constater que le premier m’a beaucoup plus plu et que j’ai vraiment besoin d’interaction humaine, et pas seulement d’informations rapides.
Emmy Huot – Spécialiste, eLearning créatif
Quelle est la prochaine étape?
Si l’impact de la pandémie s’est fait sentir sur l’ensemble de notre société, elle a également entraîné une formidable poussée d’innovations. Des réponses rapides favorisant la continuité de l’enseignement ont apporté une aide indispensable à de nombreux pays, ce qui prouve que de réels changements en éducation sont possibles. L’amélioration des systèmes éducatifs actuels n’est plus « souhaitable », mais « nécessaire » et l’accroissement de la flexibilité de l’accès à l’apprentissage, en particulier pour les groupes marginalisés, devrait être un élément essentiel à toute stratégie éducative.
La crise pourrait inciter les établissements d’enseignement à tester des approches d’apprentissage mixte et à créer des stratégies viables qui seront en adéquation avec les possibilités, toujours plus nombreuses, que nous offre la technologie.
L’année 2020 a donné aux universités la possibilité d’évaluer l’efficacité de leurs capacités d’apprentissage en ligne par un test en situation réelle. Cette année, je pense qu’on verra des investissements importants dans la préparation des enseignants à l’enseignement en ligne, l’amélioration de la technologie, du stockage, de la sécurité des applications, et dans la création et l’adoption de plateformes de réseaux sociaux pour la communication entre étudiants de même qu’entre étudiants et enseignants.
Stephanie Trott – Directrice, développement de cours
Dans l’ensemble, la pandémie de COVID-19 a mis à rude épreuve de nombreux aspects de notre vie, mais elle nous a aussi incités à aborder les problèmes sous différents angles, à nous réinventer et à travailler ensemble. Plus encore, elle pourrait nous encourager à examiner les disparités entre les systèmes éducatifs dans le monde entier et à y remédier plus tôt qu’on aurait pu l’espérer. Dans chaque problème réside une solution ou, comme l’a dit Nelson Mandela, « notre compassion humaine nous lie les uns aux autres — non par pitié ou condescendance, mais en tant qu’êtres humains qui ont appris à transformer notre souffrance commune en espoir pour l’avenir ».
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