Voie d’apprentissage d’avenir, la formation en ligne est de plus en plus offerte par les établissements d’enseignement supérieur. Misant sur les nouvelles technologies, elle est appréciée des étudiants pour sa flexibilité et permet d’explorer de nouvelles façons de transmettre le savoir. Comme la formation traditionnelle, elle doit toutefois faire face à ce type d’inconduite académique qui semble florissant en cette ère 2.0 : la tricherie.

La tricherie, d’hier à aujourd’hui

Il n’y a pas si longtemps, pour débusquer un étudiant tricheur il fallait surveiller les regards furtifs sur les copies voisines, ou encore repérer les notes inscrites dans la paume d’une main ou dans un étui de calculatrice (oui, certains faisaient preuve de plus de créativité!).

Avec l’arrivée d’Internet, des réseaux sociaux et des appareils mobiles, la technologie a donné de nouvelles munitions aux étudiants mal intentionnés et fait du « copier-coller » une arme de « désinstruction » massive. Au-delà de ce stratagème, devenu un classique, les autres formes de tricherie académique — possession de ressources non autorisées, falsification, recours à des services de rédaction de travaux, etc. — ont aussi bénéficié des avancées technologiques.

« 2.0 » fois plus de tricheurs?

La technologie a-t-elle multiplié le nombre de tricheurs qui sévissent sur les bancs d’école? Difficile de répondre à cette question complexe qui déborde du contexte scolaire. On sait toutefois que tromper fait partie des tactiques « de survie » qu’utilise non seulement l’être humain, mais aussi l’animal, lorsque les ressources sont limitées. Le passage à l’acte se fait ou non après une évaluation de ses coûts-bénéfices. Et personne ne se réjouit s’il se fait prendre…

Reprenons les chemins de l’école. Selon la plus grande étude réalisée au pays sur la malhonnêteté des étudiants (Academic Misconduct within Higher Education in Canada, 2006), menée auprès de 17 000 universitaires, 53 % des répondants ont avoué avoir triché dans leurs devoirs et 18 % lors d’examens. Dans son premier volet, les auteurs ont passé en revue les recherches sur le sujet et identifié les principaux facteurs qui incitent les étudiants à la triche. Ils sont, dans l’ordre :

  1. Les problèmes personnels.
  2. Le contexte et la culture de tricherie à l’intérieur et à l’extérieur de l’université.
  3. Un mode d’évaluation perçu comme étant injuste par les étudiants et une pédagogie qui incite au non-respect des règles.
  4. Le manque de cohérence des universités et facultés entre leur discours à l’égard de la malhonnêteté académique et la façon dont elles y font face dans les faits.

Ces facteurs sont donc non seulement de nature personnelle, mais aussi institutionnelle. Par exemple : des enseignants qui hésitent à dénoncer par manque de temps, de motivation ou de soutien de l’administration; des universités ou des départements qui valorisent les publications et la recherche au détriment de l’enseignement, ou encore qui ferment les yeux sur une situation pouvant entacher leur réputation ou priver d’une bourse un étudiant fautif, mais prometteur. À ce propos, il n’y a pas que les étudiants plus faibles qui succombent à la tentation. Certains comptent parmi les meilleurs de la classe, et trichent pour maintenir leur moyenne.

Une enquête de CBC/Radio-Canada parue en 2014 à laquelle 42 établissements universitaires ont collaboré révélait que quelque 7 000 étudiants sur 920 000 se sont fait prendre à tricher au cours d’une année scolaire, ce qui équivaut à moins de 1 %. Faut-il en conclure que l’inconduite académique est en décroissance? L’une des coauteures de la vaste étude de 2006, Julia M. Christensen Hughes de l’Université de Guelph en Ontario, commentant l’enquête de la société d’État rappelait :

« Il y a une énorme différence entre ce que les étudiants nous disent qu’ils font et le nombre d’étudiants qui se font prendre et se font punir. »

Une sensibilisation qui porte ses fruits?

Des statistiques concernant l’Université Laval rapportaient plus récemment une augmentation de 75 % des infractions aux études sur une période de quatre ans. L’Université ne rejette pas l’hypothèse que ces chiffres puissent refléter une montée des cas de plagiat et de tricherie. Elle soutient toutefois qu’ils pourraient aussi traduire que les enseignants sont plus enclins à dénoncer les inconduites étudiantes, vu la sensibilisation faite sur le campus dans les dernières années.

Même si cette hypothèse s’avérait, elle laisserait des doutes quant à l’efficacité de la prévention auprès du premier public ciblé : les étudiants eux-mêmes. Une opération qui doit non seulement dissuader les individus mal intentionnés, mais aussi lutter contre l’ignorance qui mène à enfreindre le règlement disciplinaire de l’institution. Des efforts importants doivent être répétés de ce côté, puisque certains avancent qu’une bonne part des manquements sont dus à une méconnaissance du principe de propriété intellectuelle et de ce que comprend le plagiat, la forme d’infraction qui arrive étude après étude bonne première.

Solution globale

Dans une recherche américaine parue en 2017 ciblant l’intégrité dans l’apprentissage en ligne, les auteures font valoir — comme plusieurs autres études sur la tricherie académique en général — que contrer la triche n’est pas qu’une affaire de technologies de surveillance. Pour être efficace, la solution doit comprendre une approche à la fois préventive et défensive. Elle doit aussi considérer les valeurs et les comportements faisant obstacle aux standards établis qui proviennent non seulement des étudiants, mais aussi de l’institution et des facultés. Si les efforts pour promouvoir une culture de l’intégrité académique s’avèrent insuffisants, toute tentative de sensibilisation sera vaine.

À la lumière de plusieurs des études citées dans cet article, les universités gagneraient de surcroît à s’assurer que leurs sanctions sont réellement dissuasives et leur système de traitement des cas, bien articulé.

Autrement dit, le problème doit être attaqué sur tous les fronts, de manière globale, même dans un environnement en ligne, où la solution peut sembler reposer essentiellement sur des technologies de contrôle efficaces.

Technologies en ligne à la rescousse

Avec les nouveaux moyens technologiques se posent en effet de nouveaux problèmes, mais émergent aussi de nouvelles solutions. Et puisque la formation en ligne est une voie d’avenir, il vaut la peine de l’outiller efficacement contre la triche. Cela pourrait même devenir l’une de ses forces.

À l’heure actuelle, la formation en ligne fait appel à différentes technologies pour décourager et débusquer les étudiants mal intentionnés. Parmi les plus courantes, on retrouve : l’authentification d’identité — notamment à l’aide de la surveillance vidéo -, les questions randomisées, les questions chronométrées et le verrouillage du navigateur Internet. Au nombre des technologies émergentes, on compte entre autres la biométrie, qui consiste à identifier une personne à partir de ses caractéristiques physiques, par exemple ses empreintes digitales, ainsi que l’analyse prédictive, rendue possible grâce à l’intelligence artificielle (IA). L’analyse prédictive permet à un ordinateur d’analyser des milliers de données pour aboutir à des déductions, par exemple, pour déterminer si le comportement d’un étudiant qui fait un examen en ligne est conforme.

Avant d’adopter les plus sophistiqués de ces outils, les établissements d’enseignement qui peuvent se les offrir voudront, bien entendu, s’assurer qu’ils sont efficaces et qu’ils respectent les règles en matière de protection des renseignements personnels.

Les forces anti-triche de la formation en ligne

 Si la tricherie semble récalcitrante, en classe comme en ligne, les possibilités de la formation en ligne pourraient bien changer la donne d’ici quelques années.

C’est que les technologies évoluent rapidement, proposant des solutions toujours mieux adaptées, et avec le temps, leur coût tend à diminuer. Mais il n’y a pas que cela. Alors que la prévention et la détection de la malhonnêteté académique nécessitent une solution globale, la formation en ligne possède ce qu’il faut pour intervenir sur plusieurs plans et de manière cohésive.

Que ce soit par la vidéo, les microformations ou les rappels sur les appareils intelligents, elle propose un éventail de moyens pour informer, éduquer et sensibiliser sur les règles et les conséquences de ce problème — d’une façon plus engageante que ne peut le faire une simple page web du site de l’institution. C’est sans compter que ces outils peuvent servir de formidable véhicule pour ouvrir le dialogue avec les étudiants et promouvoir les valeurs de l’université.

Qu’est-ce que la malhonnêteté académique?

Selon les auteurs de l’étude Understanding Academic Misconduct* sur la malhonnêteté académique au Canada, la malhonnêteté académique renvoie à « tous ce qui donne à un étudiant un avantage non mérité sur un autre. Elle comprend : acheter un essai, plagier des paragraphes ou des textes entiers; trafiquer des notes dans un test; jeter un œil furtif aux réponses d’un autre étudiant; faire un travail individuel à l’aide d’un autre; demander une extension d’échéance en avançant une excuse bidon.

La malhonnêteté académique peut aussi inclure le fait de fabriquer ou d’altérer des documents universitaires (ex. : relevés de note), de rédiger un travail pour un autre étudiant, et de cacher ou d’endommager des ressources documentaires ». [traduction libre]

Qu’est-ce que l’intégrité académique?

L’intégrité académique « représente davantage que l’absence d’inconduite, il s’agit plutôt d’un engagement, même devant l’adversité, envers cinq valeurs fondamentales : l’honnêteté, la confiance, l’équité, le respect et la responsabilité ». [traduction libre]

*L’étude comprend deux publications :
Publication 1
Publication 2

Ces définitions se trouvent dans la publication 1.

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.