La BD au service de l’apprentissage : le cas de Superman

Les superhéros parlent aux apprenants de tous âges de sorte que l’on s’identifie facilement à eux. Même si vous n’êtes pas un amateur du genre, vous devez quand même savoir qui est Superman et ce qu’il représente lorsqu’il combat le mal et l’ennemi. Pour les lecteurs de bandes dessinées, ces héros se battent pour un monde meilleur. Pour les éditeurs, ces héros se disputent un territoire qui est le plus souvent divisé en deux. Aujourd’hui comme hier, ces deux géants de l’industrie sont : DC Comics et Timely Comics, qui forment désormais la maison d’édition Marvel. Il faut savoir qu’au-delà du divertissement, ces superhéros peuvent « se battre » pour nos apprenants en fournissant des références, des métaphores, un humour et du contenu plus sérieux qui se prêtent à l’apprentissage comme peu d’autres personnages fantaisistes. C’est que peu de personnages ont rejoint plusieurs générations comme l’ont fait les superhéros de bandes dessinées. Pour mieux conceptualiser l’application de ces superhéros à l’apprentissage, nous nous pencherons sur le personnage de Superman, notamment sur ce qu’il peut représenter pour les apprenants.

Que représente Superman?

On peut faire remonter la bande dessinée aux dessins rupestres préhistoriques. Plus près de nous, la bande dessinée nord-américaine grand public est apparue au début du 20e siècle. Alors que l’histoire des origines de la bande dessinée varie d’un pays à l’autre, en Amérique du Nord, la Grande Dépression — qui va de la fin de 1929 jusqu’à la fin des années 1930 — a été une inspiration parfaite pour l’essor d’une nouvelle culture des héros. « Les premières histoires étaient brutes, mais directes. Contrairement à la plupart des héros de journaux, Superman vivait dans le même monde que ses lecteurs. […] Une métropole de lyncheurs et de batteurs de femmes, où les politiciens étaient des escrocs, où les hommes d’affaires exploitaient les travailleurs et déclenchaient des guerres en Amérique du Sud. C’était le monde réel de 1938. Un monde qui avait besoin d’un héros! » (Les superhéros de bande dessinée démasqués, 2003) De nos jours, « un monde en quête d’un héros » en a toujours une signification similaire, et même si les détails de l’époque sont différents, Superman peut toujours être utilisé pour discuter de sujets aussi importants que l’inclusion, l’immigration ou la justice. Pourquoi ne pas utiliser des personnages ayant une résonnance aussi profonde pour construire l’apprentissage de l’histoire, de la culture et de l’éthique, entre autres?

Superhéros… comme tout le monde!

Quelle que soit l’interprétation que nous donnons à Superman, il est là pour discuter de vrais problèmes et trouver des solutions que personne d’autre ne peut concrétiser. Depuis ses débuts, la bande dessinée est un exutoire pour évoquer les difficultés politiques, financières et sociales, mais elle offre aussi une grande part de divertissement par le biais de l’humour, notamment de la satire. Pour que le dernier homme de Krypton marche parmi nous, il suffit d’une paire de lunettes qui lui permette de devenir notre attachant, incognito et alter ego Clark Kent. Qui ne s’est jamais demandé pourquoi Lois Lane ne voit-elle pas clair dans cette mise en scène? Mais surtout, pourquoi un homme qui peut voler perd-il son temps à devenir l’un des nôtres, en ayant un travail régulier de journaliste pour le Daily Planet? Les personnes qui connaissaient les créateurs du personnage, deux jeunes hommes juifs, l’écrivain américain Jerry Siegel et l’artiste américain d’origine canadienne Joe Shuster, comparent la planète d’origine du personnage, qui fut victime d’une extinction brutale, à l’Europe juive qui a également été détruite (Les superhéros de bande dessinée démasqués, 2003). L’homme à la cape est alors souvent décrit comme un orphelin et un immigré aspirant à un endroit auquel il puisse enfin appartenir. Et bien qu’il soit un extraterrestre qui porte une combinaison pour se protéger et augmenter sa puissance, il est comme tout le monde : angoissé à l’idée d’être un incompris, dans un univers sans attaches. Il est donc facile de s’identifier à ses préoccupations.

Adapter nos superhéros aux bonnes lignes de temps

À l’époque, le culte du superhéros avait comme effet d’inciter toujours plus de gens à lire des bandes dessinées. Les lecteurs de tous âges étaient intéressés par le genre, car les personnages avaient souvent plusieurs couches de profondeur, la chronologie de leur histoire et de leur univers était souvent complexe, mais surtout, les sujets étaient pertinents pour l’époque. Les auteurs ont utilisé des problèmes courants et des expériences personnelles, rendant les histoires plus significatives et crédibles. Il n’est donc pas surprenant que le scénariste Mark Waid ait écrit sur sa tâche « d’adapter Superman pour le 21e siècle » (Morris & Morris, 2005, p4.). Cette stratégie de mise en relation du lecteur moyen avec le contenu se retrouve aussi très souvent dans la conception de matériel d’apprentissage, où une analyse des usagers permet de définir le profil cible de l’apprenant et d’adapter le contenu à ses intérêts, son style, sa culture, son époque, etc. Bâtir du matériel qui soit adapté au public cible n’est pas tâche facile, mais dans le milieu de la bande dessinée certains l’ont réussie en créant différentes versions de Superman maintenant disponibles. Imaginez un cours en Communication analysant les différentes versions de Superman en fonction de leurs époques et de leurs publics. Tout ce travail acharné d’adaptation des personnages peut servir à une exploration révélatrice de notre époque actuelle et passée.

Ce petit je-ne-sais-quoi qui motive à apprendre

Les héros de bandes dessinées ont tellement à offrir avec leurs ramifications complexes, leurs préoccupations et leurs multiples lignes de temps que ceci représente un vrai gaspillage de ressources que de ne pas les utiliser au service des sujets qui s’y prêtent dans nos programmes pédagogiques. Les superhéros peuvent être utilisés pour décortiquer des informations sur des contextes culturels, historiques et sociaux. Des faits divers sur nos personnages préférés de bande dessinée peuvent également nourrir des discussions et réflexions sur des difficultés et préoccupations courantes. Tant d’informations sur nos héros et leur ligne de temps respective, ainsi que leurs objectifs et missions sont là, à notre portée, et ils peuvent servir plusieurs sujets en plus de fournir ce petit je-ne-sais-quoi qui peut motiver plusieurs générations d’apprenants, lecteurs du genre ou non. Tout le monde sait qui est Superman et comment il est arrivé sur Terre. Ainsi, nos héros peuvent se prêter au jeu des métaphores ou des allégories pour des enseignements de toutes sortes qui peuvent notamment porter sur des sujets particulièrement sensibles et profonds. Alors, pourquoi ne pas en tirer profit en bénéficiant de surcroit de leur potentiel à motiver les apprenants?