L’intelligence artificielle (IA) fait de plus en plus parler d’elle. Cette technologie inspirée du fonctionnement du cerveau humain en fascine plus d’un, en inquiète d’autres, mais nombreux sont ceux qui ignorent ses applications concrètes. En fait, ses possibilités sont aussi nombreuses que diversifiées, tout comme les secteurs dans lesquels elle peut être utilisée. Pour vous aider à vous faire une tête sur l’IA, voici trois innovations, toutes québécoises, qui pourraient chacune révolutionner leur domaine respectif!

Santé : Un algorithme pour cibler les essais cliniques sur l’Alzheimer

Toutes les 56 secondes, un Canadien reçoit un diagnostic d’Alzheimer. En 2050, c’est 1 million de personnes au pays qui seront frappées par cette maladie dégénérative du cerveau, en majorité des femmes, en raison notamment de leur espérance de vie plus élevée que les hommes. L’Alzheimer est une maladie à évolution lente et silencieuse, et lorsque son diagnostic tombe, elle en est déjà à un stade très avancé. Malgré que les centaines d’essais cliniques menés depuis une vingtaine d’années, cette démence demeure irréversible, puisqu’aucun remède ne lui a encore été trouvé.

Si l’âge est considéré comme son premier facteur déclencheur, on cherche toujours à identifier le ou les facteurs moléculaires qui joueraient un rôle clé dans son développement. Jusqu’à tout récemment, les chercheurs se butaient à un obstacle majeur en essai clinique : l’impossibilité de prédire quels individus dans une cohorte de participants ayant des prédispositions familiales et des troubles cognitifs légers, développeraient une démence et, si c’était le cas, dans combien de temps.

Or, des chercheurs de l’Institut universitaire de santé mentale Douglas de l’Université McGill ont eu recours à l’Intelligence artificielle, plus précisément à l’apprentissage automatique (voir Intelligence artificielle : de la programmation manuelle à l’apprentissage profond), pour créer un algorithme pouvant prédire avec une précision jamais atteinte de 84 % qui parmi des gens âgés de plus de 60 ans éprouvant des problèmes de mémoire — qui ne les empêchent toutefois pas de travailler — développera une démence deux ans plus tard (Rosa-Neto et al., 2017). En entrevue au Devoir, le coauteur principal de l’étude, Pedro Rosa-Neto, explique comment leur innovation fonctionne : « Avec simplement les données fournies par une imagerie de leur cerveau [révélant le taux de bêta amyloïde, une protéine toxique qui s’accumule de façon plus précoce et plus prononcée chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer], notre logiciel [incluant l’algorithme mis au point dans le laboratoire] peut déterminer si ces personnes développeront une démence deux ans plus tard. »

Cette avancée aura un impact certain sur les progrès de la recherche pour ce qui est de mettre à l’épreuve l’efficacité de potentiels traitements. « Si nous menons des essais cliniques spécifiquement avec des patients qui développeront à coup sûr une démence deux ans plus tard, nous obtiendrons des résultats beaucoup plus probants et concluants sur l’efficacité du traitement expérimenté », précise M. Rosa-Neto.

Éducation : Nao, le robot aide-enseignant

Quelques élèves du Québec ont eu la chance au cours des dernières années de recevoir en classe la visite régulière d’un aide-enseignant bien spécial : Nao, le petit robot! Comprenant une caméra, des capteurs et des microphones, ce robot humanoïde est aussi doté l’intelligence artificielle, le rendant apte à interagir avec les humains, soit à répondre à leurs questions et à décoder certaines de leurs émotions. C’est Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation, qui après avoir découvert Nao en France en 2016 a eu l’idée de tester son potentiel à des fins éducatives avec son équipe de l’Université de Montréal.

Les chercheurs ont mené leur projet de recherche auprès d’élèves du primaire et du secondaire ayant des difficultés d’apprentissage, ainsi qu’auprès d’un groupe d’élèves du primaire atteints de troubles du spectre de l’autisme. En plus d’aider ces jeunes à améliorer leurs compétences scolaires, notamment en mathématiques et en lecture, les interventions de Nao les ont aidés à développer leurs capacités à communiquer et à gagner confiance en eux (Karsenti et Bugmann, 2017). Des élèves autistes qui ne communiquaient pas entre eux se sont mis à le faire en compagnie du sympathique petit robot (Découverte, Radio-Canada).

Ces expériences menées en milieu scolaire avec Nao ont donc été « un réel succès » selon l’équipe de chercheurs, et M. Karesenti, qui prône que l’IA devienne une priorité en éducation au Québec suggère qu’on la perçoive autrement. « Au lieu de considérer l’intelligence artificielle en éducation comme quelque chose de magique, il faut plutôt la voir comme un outil à grand potentiel qu’il faut savoir exploiter sur le plan pédagogique, et ce, dès le primaire », précise-t-il.

Médecine vétérinaire : Des bouchons d’oreilles intelligents pour la santé des chevaux

Faisant partie des 10 inventions québécoises de l’année 2019 de Québec Science, des bouchons d’oreilles intelligents pour chevaux sont en voie de devenir un nouvel outil dans la trousse de santé préventive équine. Leur inventeur qui, au départ, a conçu ces bouchons pour mieux protéger les chevaux du bruit, a eu l’idée de les doter d’un gyroscope, d’un accéléromètre, d’un GPS, mais aussi de capteurs biométriques, soit des capteurs fournissant des données sur l’état de santé du cheval (par ex. : changements dans sa température ou dans son rythme cardiaque).

En intégrant l’intelligence artificielle à ces bouchons, cette technologie permet d’analyser les données biométriques du cheval à l’aide des données sur la santé équine provenant de la littérature scientifique existante — auxquelles l’IA a été entraînée au préalable. L’IA fournit ainsi des prévisions sur la santé du cheval qui permettent de détecter des anomalies ou même de lancer une alerte pour signaler un problème de santé urgent du cheval s’il y a lieu. À l’heure actuelle les données sont analysées en nuages, mais le but est qu’ils soient éventuellement analysés en temps réel dans le bouchon.

L’IA outremer… et insolite!

De nombreuses autres innovations en intelligence artificielle qui pourraient changer diverses facettes de nos vies émergent ailleurs dans le monde. En voici une qui est en voie de se concrétiser et qui ne devrait laisser personne indifférent.

Spiritualité : Mindar, le prêtre robot

Pour certains, la technologie est l’objet d’un véritable culte… Ce n’est pas de cela dont il sera ici question, mais plutôt de l’usage de la technologie dans la pratique religieuse ou spirituelle. Mindar, un prêtre bouddhiste nouveau genre d’un temple de Kyoto a fait les manchettes insolites récemment. C’est que Mindar est un prêtre robot, un humanoïde sophistiqué valant près d’un million de dollars qui récite des soutras sans se fatiguer grâce à un logiciel muni d’un micro et d’un haut-parleur.

Il n’est pas encore doté de l’intelligence artificielle, mais ses créateurs ont l’intention de lui faire franchir ce pas — avec l’apprentissage automatique — pour qu’il puisse interagir avec les fidèles sur leurs questionnements spirituels. Si le prêtre robot suscite surtout des réactions positives chez les Japonais, ce n’est pas le cas chez les Occidentaux, qui le qualifient de genre de « monstre Frankenstein »…

Notons que Mindar n’est pas le premier robot à entrer en religion. En 2015, les Chinois ont créé Xian’er, le premier moine bouddhiste robot; et deux ans plus tard ce fut au tour des Allemands et des Indiens de créer le leur : le premier, « baptisé » BlessU-2, pour bénir des fidèles dans le cadre du 500e anniversaire de la Réforme protestante, et le second, pour exécuter le rituel aarti devant une divinité.

Catherine Meilleur

Auteure:
Catherine Meilleur

Rédactrice de contenu créatif @KnowledgeOne. Poseuse de questions. Entêtée hyperflexible. Yogi contemplative.