Il y a près d’un siècle, le poète français Paul Valéry déclarait : « Le problème de notre temps c’est que le futur n’est plus ce qu’il a été. » En regardant le monde de l’éducation en général, il semble que la perception que nous avons de l’avenir est en constante mutation, et pas toujours pour le mieux.
La cote de l’éducation en baisse?
J’entends souvent dire des étudiants d’autrefois qu’ils étaient meilleurs, plus prédisposés aux exigences de la vie scolaire en comparaison de leurs contemporains, qui seraient indifférents au « vrai savoir ». Cela peut traduire une certaine nostalgie, mais il est vrai que les cégeps et les universités ont vu leurs inscriptions baisser ces dernières années et que la concurrence entre établissements d’enseignement supérieur s’est transformée en véritable guerre marketing ouverte.
Peut-on conclure pour autant à un désintérêt grandissant vis-à-vis de l’éducation? À regarder les statistiques des recherches Google répertoriées dans le monde pour les termes « éducation », « université » et « formation », on peut effectivement en déduire que depuis 14 ans l’intérêt pour l’éducation est en déclin.
Une croyance répandue veut que pour résister aux difficultés financières qui les accablent, les universités aient revu à la baisse leurs standards de qualité et se soient mises à accepter pratiquement n’importe quel étudiant; et qu’en conséquence la confiance et les valeurs qui leur sont traditionnellement dévolues s’en trouvent entachées.
À qui la faute?
Les étudiants ne seraient plus ce qu’ils étaient et la faute en reviendrait au cégep et à l’école secondaire qui n’en feraient pas assez pour développer chez nos jeunes la pensée critique, la volonté de se surpasser, etc. L’école secondaire jette pour sa part le blâme sur l’école primaire, en lui reprochant de négliger le développement des habiletés d’écriture et de compréhension de la lecture. Cette chaîne de reproches tombe ensuite sur les épaules des parents, qui ne soutiendraient pas assez leur progéniture, ou qui n’accorderaient pas suffisamment d’importance à l’éducation. Les parents de leur côté renvoient la balle dans la cour de l’école, bouclant la boucle des accusations.
Le problème en serait-il un d’absence de modèle? Que la société survalorise le parcours d’idoles qui n’ont pas fréquenté l’école très longtemps y serait-il pour quelque chose? En partie oui, si on reste dans cette logique non réactive où l’on jette le blâme sur l’autre. Toutefois, il y a plus : le marché du travail s’est profondément transformé au fil des décennies, alors qu’une main-d’œuvre principalement manufacturière a fait place à main-d’œuvre spécialisée dans l’offre de services. C’est sans compter l’argumentaire voulant que l’éducation supérieure – qui nécessite un investissement considérable en argent et en temps – ne soit plus forcément la voie royale pour s’assurer un brillant avenir professionnel.
Une question de perspective
Quoi qu’il en soit, il est vain de se pencher sur ces questions sans une vue d’ensemble de la situation. La société change et à regarder la façon dont l’information se consomme, il s’avère clair le système d’éducation doit aussi se mettre au diapason. Certains, dont Sir Ken Robinson, proposent que nous repensions de façon radicale notre système d’éducation.
En examinant encore une fois les graphiques présentés plus haut, on peut déduire qu’il y a eu un déclin de l’intérêt pour l’éducation, mais en réalité c’est plutôt le changement notre perception de l’apprentissage qu’ils traduisent.
Une forme d’apprentissage plus directe et engageante fait son chemin et accueillir ce changement de manière proactive peut bénéficier sur le long terme même à ceux qui prodiguent un enseignement traditionnel.
La recherche des mots-clés « comment faire », « technologies engageantes » et « apprentissage » est en hausse depuis quelques années. L’interprétation selon laquelle l’éducation serait moins bien vue ou que le besoin d’acquérir des connaissances serait moins grand qu’avant ne serait donc qu’une question de perspective.
Accepter de changer, ou pas
Ce n’est pas la première fois que le milieu de l’éducation en Occident résiste au changement. Pour s’en convaincre, il suffit de lire cette citation des Enseignants fédéraux américains datant de 1950 :
« Les stylos à bille vont anéantir l’éducation dans notre pays. Les étudiants utilisent ces outils puis les jettent! Les vertus américaines d’économie et de frugalité sont en péril. Les entreprises et les institutions bancaires ne permettront jamais de telles dépenses de luxe. »
L’Internet et les nouvelles technologies ont changé la façon dont nous traitons l’information, et attendre que le journal soit livré à sa porte le matin est devenu une approche obsolète pour se tenir au fait des dernières nouvelles. L’information se consomme désormais à la carte, selon les besoins de chacun et en plus petites « bouchées ». Dans cette optique, disposer d’un accès rapide aux sources de connaissances s’avère incontournable.
La façon nous transmettons doit être revue, peu importe le type d’information en question. Espérer atteindre les mêmes résultats équivalents en matière de communication en appliquant une recette unique à tous les groupes visés, c’est faire fausse route. Plus que jamais, il faut s’adapter aux groupes visés, s’engager et interagir avec eux à l’aide de moyens de communication multiples
Cours en ligne repensé
À titre d’exemple, apprendre l’ancien anglais peut paraître d’emblée ardu et rébarbatif. Pourtant, l’Université Concordia a réussi avec succès à l’enseigner par le biais des oeuvres de J.R.R. Tolkien dans un cours en ligne engageant qui intègre des éléments de ludification. Cette expérience a démontré qu’il faut non seulement repenser l’emballage pour présenter efficacement un tel contenu, mais aussi revoir la façon dont l’information est répartie tout au long d’un tel cours, pour l’amener à un niveau supérieur.
L’éducation vit-elle un déclin? Pas vraiment. Mais notre perception de l’éducation doit être revue, et dans la foulée des changements que nous vivions, de nombreuses occasions sont à saisir.
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